L'inflation, la déflation, et la stagflation font partie des phénomènes que craignent les économistes et surtout les banques centrales. En effet, ils accompagnent et aggraventpresque toujours les grandes crises économiques, voire en sont parfois la cause. Des pays comme l'Argentine, le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou encore le Japon peuvent en témoigner.
L'inflation est un phénomène économique qui consiste en une hausse généralisée et durable des prix. Elle entraine une baisse du pouvoir d'achat des ménages, puisqu'avec la même somme d'argent, ils peuvent acheter moins de biens et de services. Une hausse des prix dans certains secteurs de l'économie (énergie lors de ces dernières années) peut être compensée par la baisse dans d'autres secteurs (informatique, vêtements). On parlera alors d'inflation uniquement lorsque le niveau général des prix augmente. Pour calculer cette inflation, les instituts de statistiques calculent généralement un indice composé d'un panier des principaux biens et services. L'inflation a deux grandes origines : les coûts et la demande. L'inflation par les coûts surgit lorsque les entreprises doivent faire face à des coûts plus importants (coûts de production, fiscalité défavorable aux entreprises...). Les biens et services sont alors plus chers à la production et ceci se répercute directement sur le prix final. Une autre source d'inflation est la demande : lorsqu'elle est supérieure à l'offre les prix augmentent. L'inflation par la demande n'est pas forcement un fléau, car elle accompagne généralement la croissance. Ainsi, une inflation modérée et une croissance soutenue sont des indicateurs de la bonne santé d'une économie. Cependant une inflation importante et galopante devient alors néfaste pour la croissance. Le rôle principal d'une banque centrale pendant les périodes de croissance et donc de contrôler l'inflation. Malheureusement, l'inflation s'entretient elle-même et donne souvent naissance à des spirales inflationnistes. La plus connue est la boucle " salaires-prix " : lorsque les prix à la consommation augmentent, les pressions syndicales amènent une hausse des salaires. Cette hausse entraîne des coûts de revient plus élevés pour les entreprises qui sont alors obligées d'augmenter leur prix final. Les salariés exigent alors encore une augmentation de leur salaire, et ainsi de suite. Ainsi, lorsque l'inflation devient importante, elle tend à s'amplifier. On parle alors d'hyperinflation (taux d'inflation supérieur à 100%). L'Argentine est un des pays qui a été le plus touché par le phénomène d'hyperinflation. En 1973, l'instabilité politique, le déficit budgétaire du pays et la pression syndicale entraîne une inflation importante qui atteint le taux de 444% trois ans après. Après une baisse à la fin des années 70, le taux d'inflation augmente pour atteindre 209% en 1982. Le Peso est alors tellement déprécié que le gouvernement est dans l'obligation de réévaluer la monnaie en prenant comme parité 1000 anciens Pesos pour 1 nouveau Peso. Le Fond Monétaire International accorde à l'Argentine un prêt sous la condition qu'elle s'engage à faire diminuer le taux à 165%. Le pays ne parvient pas à respecter cette condition et le taux d'inflation annuel en 1983 est de 434 et de 1200% en 1985. Le déficit public représente alors plus de 15% du PIB. Au même moment le gouvernement de Alfonsin est élu démocratiquement (ce qui n'était pas arrivé depuis 1916). Il met alors en place une politique budgétaire restrictive via le Plan Austral. Le Peso est remplacé par une nouvelle monnaie : l'Austral. Les salaires des fonctionnaires sont gelés afin de limiter les dépenses étatiques. Mais ce plan de rigueur n'aura pas l'effet escompté puisque le taux d'inflation en 1990 est d'environ 3000%. En 1992, le Peso redevient la monnaie nationale avec comme taux de change 1 Peso égale 1 dollar. La création monétaire est ainsi sous contrôle puisque l'émission monétaire est strictement limitée à l'entrée de devises. Les résultats sont significatifs sur le plan de la maîtrise de l'inflation, stabilisés en 1994 à 4%. Mais les effets secondaires sont particulièrement néfastes pour l'économie. Le taux de change fixe pose un problème structurel de surévaluation du Peso, qui a des conséquences désastreuses sur la balance commerciale de l'Argentine et donc sur la santé globale de l'économie. Le gouvernement rompt le taux de change fixe en 2001 et l'Argentine connaît ensuite une amélioration de sa situation économique, avec une inflation élevée mais relativement contrôlée. Mais l'équilibre est fragile et avec la crise 2008, l'Argentine est à nouveau en grande difficulté.
La stagflation : l'économie frappée de part et d'autre
Le terme de stagflation a été pour la première fois employé en 1965 par le britannique Iain Mac Leod alors Chancelier de l'Echiquier. C'était la fin des Trente Glorieuses au Royaume-Uni. Il désigne la combinaison de l'inflation et d'une stagnation (croissance molle voire négative). Les théories économiques (keynésiennes particulièrement) avançaient jusque là que ces deux phénomènes étaient mutuellement exclusifs. Lorsque la croissance ralentit (récession) le chômage augmente et le taux d'inflation est censé baisser, c'est-à-dire rentrer dans une période de désinflation. Mais au cours des années 1960 et surtout 1970, les pays développés, notamment les Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis, ont connu des situations de stagflation. Il n'y a pas de réelles théories quant à l'origine de ces situations de stagflation. Il semblerait que ce soit d'avantage une conséquence de plusieurs facteurs qu'une source économique bien précise. Ainsi, au Royaume Uni, à la fin des Trente Glorieuses, la situation économique de plus en plus moribonde, contraste avec la croissance des autres économies de marché. La croissance diminue dès le début des années 1960 à cause d'une mauvaise gestion de l'investissement. L'appareil productif se dégrade, les entreprises britanniques ont des difficultés à faire face à la concurrence internationale. En plus de tout cela, les syndicats font augmenter les salaires entraînant une hausse du taux d'inflation, alors même que le pays entre en récession. Le Royaume-Uni est ainsi frappé de stagflation. Le phénomène de stagflation le plus important a eu lieu aux Etats-Unis à partir des années 1970. Au début des années 1970, Les Etats-Unis connaissent un ralentissement de la croissance passant de 0.5% en 1974 à 0.2% en 1975 avec la même année un taux de chômage de 8.5%. Le choc pétrolier de 1973 a entraîné une hausse généralisée des prix. Cette hausse de prix aurait du selon la théorie keynésienne être favorable à la croissance économique. Cependant, la hausse du prix du pétrole a entraîné une augmentation des dépenses des ménages (chauffage, carburant, etc) sans augmentation des salaires, ainsi les salaires réels étaient plus faibles, ce qui pénalisa la demande. Les politiques monétaires ou budgétaires ont du mal à régler le problème. Les gouvernements doivent faire le choix entre deux solutions paradoxales : diminuer l'inflation au détriment de la croissance ou stimuler l'économie au risque de faire envoler les prix. Ainsi, la première réaction du gouvernement américain a été une augmentation des dépenses publiques afin de limiter le chômage et de faire repartir l'économie. Cette politique a été totalement infructueuse. En effet, la stimulation de l'activité par les politiques de relance ne fonctionne que provisoirement mais elles découragent l'activité sur le moyen terme en raison des effets de bouclage macroéconomiques. Ceci marqua la fin de la domination des théories économique de Keynes. On a alors accordé beaucoup plus d'importance aux théories monétaristes de Milton Friedman. Selon lui, l'inflation ne peut subvenir qu'en cas d'augmentation de la masse monétaire dans l'économie, et non comme ça a été le cas, d'une augmentation du prix du pétrole. A la fin des années 1970, le gouvernement met alors en place une politique monétariste restrictive. Les taux d'intérêt sont augmentés jusqu'à deux chiffres dans le but de diminuer l'inflation. Les dépenses pour les entreprises et ménages sont alors beaucoup plus importantes, ce qui entraîne une diminution de la croissance considérable et dans le même temps une hausse du chômage. Une partie du problème de la stagflation était alors réglé : l'inflation. Les gouvernements ont pu alors se concentrer à la résolution de la seconde partie : la croissance faible (voire négative) et le chômage.
Déflation : La baisse des prix fait aussi des dégâts
La déflation est une inflation négative : une baisse généralisée des prix. Les conséquences de la déflation sont très négatives sur l'économie. Elle entraine une baisse de la demande globale et de et de la production. Elle peut donc amener à une récession économique voire une dépression mais c'est heureusement un phénomène rare. Les conséquences d'une déflation sont désastreuses pour l'économie. Les taux d'intérêt réels augmentent, ce qui peut entraîner des difficultés financières voire l'insolvabilité pour de nombreux ménages. Les entreprises voient leur bilan se dégrader à cause de créances douteuses. Dans un contexte de diminution des prix, les ménages espèrent une diminution encore plus importante. Ainsi ils ne consomment plus, attendant des prix plus attractifs. Les entreprises voient alors leurs revenus baisser, limitant la croissance des revenus nominaux et des emplois. Les revenus réels augmentent, ce qui diminue l'emploi. La diminution de l'emploi entraîne à son tour une baisse de la consommation des ménages. Le cercle vicieux est alors en place. La déflation diminue la valeur des actifs des entreprises alors que leur endettement réel augmente. Une des crises déflationnistes les plus importantes dans l'économie moderne est celle qui a touché le Japon dans les années 1990. Elle frappe tout d'abord les banques, touchées de plein fouet par l'effondrement de la Bourse et la baisse considérable des prix de l'immobilier. Elles doivent alors provisionner massivement les créances douteuses accumulées sur les ménages et entreprises. Certaines vont jusqu'à vendre à perte leurs actifs pour rééquilibrer les bilans. Du coup, les capitaux des banques fondent et elles doivent se recapitaliser. Elles n'accordent plus de crédits, et les entreprises se retrouvent en grandes difficultés, ce qui augmente le volume des créances douteuses. En 1994, sept organismes de crédit, filiales des principales banques du pays, font faillite, et sont très proches d'emmener leur maison mère avec eux. Le pire survient en 1997 quand trois banques d'affaire font faillite. Le marché bancaire souffre alors de paralysie. En 1998, deux banques sont nationalisées : Long Term Credit Bank (une des premières banques mondiales) et Nippon Credit Bank. L'Etat injecte des capitaux à hauteur de 495 milliards de dollars (12% du PIB). Ces efforts n'ont pas pu empêcher l'accroissement des créances douteuses qui atteignent le record de 330 milliards de dollars en mars 2002 (8.4% de l'encours des crédits). La politique monétaire de la Banque central du Japon est inefficace : les taux d'intérêt sont ramenés à 0.5% en 1995 et atteignent même le niveau nul en 1999. Mais la baisse des prix entraîne une augmentation des taux d'intérêt réels, asphyxiant l'économie et les entreprises. Ces dernières sont obligées de se débarrasser de leurs avoirs et de solder leurs stocks pour se désendetter. Ceci augmente encore la déflation. En avril 2003, l'indice Nikkeï atteint son point le plus bas : 7830 points, valeur alarmante quand on sait qu'il atteint le sommet de 39000 en décembre 1989. Au même moment, le prix des terrains diminue de 80%. Un redressement se fait ressentir seulement après 2003. La Banque du Japon inonde le marché financier en portant de 40 à 3000 milliards de dollars le montant des titres susceptibles d'être acceptés dans son bilan. C'est la politique de " détente quantitative " qui dure jusqu'en mars 2006. En 2004, la déflation prend fin et la croissance reprend. Le niveau des créances douteuses retombe à 3.5% de l'encours des crédits en 2005, la crise bancaire prend fin. Les banques commencent alors à rembourser l'Etat. Cette crise déflationniste japonaise permet de mettre en avant le manque de réaction des principaux acteurs : les banques, qui ont perdu du temps à essayer de masquer leurs pertes dans leur bilan plutôt que d'y faire face, et surtout les autorités qui n'ont pas pris les choses en main assez tôt. La politique de " détente quantitative "a été la première action qui a réellement enrayé la crise, ce qui nous permet de dire que l'injection de capitaux publics a joué un plus grand rôle que la Banque du Japon. Le Credit crunch s'est arrêté lors du rachat massif des créances douteuses par l'Etat.
L'inflation doit être mise en parallèle avec la croissance de l'économie et le pouvoir d'achat des ménages. L'inflation n'est ni bonne ni mauvaise en soi, d'autant qu'elle accompagne généralement la croissance. Mais lorsqu'elle est trop élevée, ou lorsqu'elle s'accompagne d'une récession, les conséquences deviennent désastreuses pour l'économie. D'un autre côté la baisse des prix (déflation) a également des effets néfastes. L'enjeu des banques centrales est donc de garder un certain équilibre, alors que la lutte contre un de ces phénomènes pousse généralement le pays vers les autres...