Les frimas de l'hiver ont-ils donné des idées de Bourse à Canada Goose, le fabricant de vêtements chauds créé il y a 60 ans. La société canadienne qui a conquis les fashionistas connait une forte croissance, avec des revenus annuels en hausse de 40 % en moyenne et des bénéfices qui ont triplé sur la période. L'annonce de cette entrée en Bourse très attendue à Toronto est aussi l'occasion de faire le rapprochement avec son rival italien Moncler, qui a déjà sa petite expérience boursière.
Le phénix ressuscité
Entre 600 et 2500 euros pour les plus sophistiquées. C'est le prix à débourser pour s'envelopper dans une Moncler. Depuis plus de six décennies, elle s'est imposée comme la doudoune de luxe par excellence, accoutrement incontournable pour briller sur les pistes de ski ou bien pour se réchauffer en ville. Moncler c'est surtout l'histoire d'une marque qui a traversé les années non sans difficultés. Retour sur une légende de la mode....
Logo Moncler
Moncler a été fondée en 1952 à Monestier-de-Clermont, un village proche de Grenoble. Le diminutif de ce village donnera naissance à la marque Moncler. A l'époque, les produits confectionnés par la société sont à dix mille lieues du glamour et du chic: des lits de camp, des sacs de couchage et des duvets. Moncler aurait pu s'en tenir à la fabrication de petit matériel pour les loisirs en plein air si l'alpiniste Lionel Terray, ami du patron de l'époque n'avait pas jeté son dévolu sur les vestes rembourrées qui réchauffent les ouvriers de l'entreprise les jours de grand froid. L'alpiniste demanda la conception d'une série complète de produits le protégeant dans ses expéditions extrêmes et très vite, la doudoune s'impose comme la compagne idéale des cordées françaises. Dans les années soixante, la marque Moncler est même associée aux exploits tricolores avec l'ascension du Makalu, le cinquième sommet le plus haut du monde à 8400 mètres d'altitude. A la fin de cette décennie, l'équipe de France s'équipe chez Moncler pour les Jeux olympiques d'hiver. Quatre ans après, la doudoune Moncler s'arrache dans le microcosme des stations chic.
Dans les années 80, Moncler devient une marque grand public et non plus une doudoune réservée aux aficionados de l'alpinisme. La marque française se fait connaître par son audace avec ses blousons Nylon laqué aux teintes flashy. La collaboration avec Chantal Thomass va donner une orientation plus mode et plus uniquement comme équipement pour la montagne. La collection se féminise aussi et rencontre le succès. Les doudounes deviennent même un phénomène de mode et l'étendard des Paninari, une bande de jeunes issue de la bourgeoisie milanaise qui a érigé la Moncler comme symbole de reconnaissance.
Un groupe de Paninari
Mais les doudounes flashy des années 80 laissent place à un dessein plus terne à l'aube de la décennie 90... La collaboration avec Chantal Thomass a pris fin et la marque est en perte de vitesse, menacée par l'émergence de nouveaux concurrents, comme Chevignon avec sa doudoune au canard Togs Unlimited. En 1992, le couperet est tombé, Moncler est au bord de la faillite et mise en redressement judiciaire. Elle fut rachetée par le groupe italien Pepper Industries quelques temps après. Après une série de rachats, elle passe en 2003 sous le giron de Remo Ruffini. L'ex-directeur artistique italien de la griffe a décidé de faire un virage stratégique à 180 degrés, en propulsant Moncler dans l'univers cliquant du luxe. Il s'entoure des meilleurs créateurs de la planète pour faire renaître le phénix de ses cendres. La Moncler est ce qui se fait de mieux en doudoune de luxe. L'hiver 2007 marque l'arrivée de la doudoune comme un élément à part entière de la mode, et non plus comme un vêtement pour la montagne. De nombreux créateurs proposent des doudounes dans leurs défilés automne-hiver. La marque possède aujourd'hui 186 boutiques et 40 enseignes multi-marques dans le monde, en Europe, en Asie, aux Etats-Unis, toutes situées dans les quartiers chics ? rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris, sur Rodeo Drive à Beverly Hills et Sloane Street à Londres.
Une boutique Moncler
Un succès et une croissance au rendez-vous
Quant Remo Ruffini repris Moncler en 2003, le chiffre d'affaires du groupe moribond plafonnait à 43 millions d'euros...Plus de dix ans après, les ventes ont explosé pour atteindre 880 millions d'euros en 2015, en croissance de 27% par rapport à l'exercice précédent ! Un rythme que Vuitton ou Gucci n'ont pas atteint depuis des années. Mais c'est surtout à l'international que les relais de croissance sont importants. Le dynamisme de l'Asie est sans appel avec des ventes qui ont décollé de 28 %, l'Amérique de + 27 %, l'Europe et le Moyen Orient de + 13 %, tandis que les ventes en Italie ont progressé de + 5 %.
La croissance du chiffre d'affaires du groupe continue d'être tirée par le réseau de magasins en propre qui représente 70 % du chiffre d'affaires en 2015 (contre 62 % en 2014). Cette performance est notamment due à la poursuite du développement du réseau de magasins en propre. À fin décembre 2015, le réseau compte 207 magasins (contre 172 magasins au 31 décembre 2014), dont 173 magasins en propre. Moncler a ouvert 27 nouveaux magasins sur la période, en plus de la conversion des 12 magasins multi-marques en magasins en propre en Corée. Le plus surprenant, c'est le succès de Moncler dans les pays chauds, la marque ayant su faire rêver autour de l'imaginaire de la montagne et du froid. La preuve en est, les doudounes représentent encore 85% de son chiffre d'affaires. Focalisation, exclusivité, clarté et sélectivité sont les axes de la stratégie de développement de la marque Moncler depuis 2003. Aujourd'hui, plus que jamais, la société est plus que convaincue que cette stratégie lui permettra d'obtenir des résultats exceptionnels. Au cours des neuf premiers mois de 2016 Moncler a enregistré une augmentation de 14% de ses ventes. . Le prix moyen des doudounes se situe autour de 800 euros pour des coûts infiniment inférieurs. Ce qui lui permet d'afficher un taux de marge brute de 80% en boutique en propre. Un record dans l'industrie du luxe La société anticipe d'excellents résultats grâce à sa solide image de mode et de luxe...
Une performance boursière qui réchauffe
Dix ans après sa reprise, Moncler a fait son entrée en Bourse à Milan rejoignant des grands noms de la mode transalpine telles que Tod's, Salvatore Ferragamo ou Brunello Cucinelli. Il s'agit de plus importante réalisée par une société italienne depuis celle de Prada à la Bourse de Hong Kong en 2011. Une entrée en Bourse qui était attendue de longue date en témoigne l'accueil réservé à cette opération. L'offre publique de vente dont 90 % était réservée à des investisseurs institutionnels et 10 % au public italien avec une demande 31 fois supérieure à l'offre. Seuls 150 investisseurs institutionnels ont été choisis sur 750 élus. Ce n'était pas la première tentative de Moncler, la société avait troqué une première fois à la porte de la Bourse de Milan en 2011 mais avait été contrainte de rebrousser chemin en raison d'une dégradation des conditions de marché. Une autre porte de sortie avait alors été choisie avec l'entrée du fonds français Eurazeo, dans le capital, à hauteur de 45 %. Deux ans plus tard, c'est un Moncler remplumé qui arrive en Bourse avec un titre qui connait une entrée tonitruante. Les doudounes se sont littéralement arrachées à Milan jusqu'à gagner plus de 50% pour sa première séance. Pour rappel, Moncler s'est introduit à 10,20 euros, soit le haut de la fourchette indicative comprise 8,75 et 10,20 euros. En l'espace de trois ans, le titre s'est ainsi envolé de 74% sur fond de résultats solides marqués par une forte dynamique des ventes à l'international.
Parcours boursier du titre Moncler
Une idée d'investissement à mettre au chaud ?
Malgré cette envolée du cours de Moncler à des sommets historiques, le potentiel de hausse s'est-il dégonflé. Avec 20 analystes à l'achat, deux à conserver et aucun à la vente, le moins que l'on puisse dire, c'est que le consensus des analystes est plutôt positif avec un consensus moyen de 19,6 euros. Les analystes les plus optimistes tablent sur un objectif de cours de 21 euros.
On pourrait quand même reprocher à Moncler d'être " doudoune dépendant " puisque ce produit lui assure plus de 8 ventes sur dix. La société en est parfaitement consciente et se tourne vers les accessoires. Fin 2016, la marque de doudounes de luxe a collaboré avec Zaï, une maison de skis haut de gamme. La vente de ces skis de luxe permet à Moncler d'élargir sa clientèle tout en restant dans le même univers puisque sa cible actuelle sont les riches consommateurs. La société plancherait également à la sortie d'un parfum, un développement logique pour une marque de mode. Des pilotes ont été notamment testés par Interparfums. Cette diversification peut assurer des revenus complémentaires et permettre de faire croître le chiffre d'affaires des boutiques en propre. La société devrait ainsi publier des nouvelles ventes en hausse, dépassant même le milliard d'euros en 2016 après 880 millions d'euros en 2015. Trimestre après trimestre, la société continue de confirmer ses objectifs. La croissance est générée à la fois par le biais de nouvelles ouvertures de boutiques, que par une plus grande efficacité dans les processus de distribution.
Outre ces solides fondamentaux, un analyste de la place estime Moncler être une cible privilégiée " d'un prédateur potentiel désireux de contrôler une société en forte croissance, extrêmement bien gérée et dont la valorisation lui semble aujourd'hui attractive ".