Avis de tempête sur la Deutsche Bank. La première banque privée allemande est dans la tourmente depuis que des rumeurs affirment que l'Etat allemand envisagerait de ne pas venir en aide à la Deutsche Bank dans ses démêlés avec la justice américaine. Celle-ci réclame le versement d'une méga amende d'un montant de 14 milliards de dollars, soit 12,5 milliards d'euros pour avoir vendu en connaissance de cause, des crédits immobiliers toxiques convertis en produits entre 2006 et 2008.

Retour sur la crise de la Deutsche Bank
Depuis janvier, la Deutsche Bank a vu sa capitalisation boursière fondre de 50% et même de près de 90% depuis ses sommets de mai 2007 pour tomber sous les 17 milliards de dollars.. une capitalisation ridicule pour un fleuron centenaire de l?industrie allemande. La première banque allemande a assuré qu'elle "n'avait pas l'intention" de payer ce montant ou même une somme avoisinante. Car la banque risque gros, dans la mesure où si elle était condamnée à verser cette grosse amende, cela risquerait de ramener le niveau de ses fonds propres règlementaires sous le seuil psychologique de 10%.
La Deutsche Bank aura-t-elle les moyens de payer elle-même la future amende?
Le problème de la Deutsche Bank se résume en une question : Aura-telle les moyens de payer elle-même la future amende ?
Si non, devra-t-elle faire appel à ses actionnaires en recourant à une augmentation de capital massive ? Ou bien demander l'aide de l'Etat ? Quoi qu'il en soit, les rumeurs vont bon train. A Francfort, son président du directoire est monté au créneau pour dire que la banque n'avait ni besoin d'augmentation de capital, ni demandé l'aide de l'Etat. La Deutsche Bank s'estime capable de faire face à une pénalité d'environ 5 milliards.
Vers un plan de sauvetage?
Le gouvernement allemand a démenti préparer un plan de sauvetage de la première banque du pays. Or selon l'hebdomadaire Die Zeit, les autorités ont commencé à échafauder un plan de sauvetage dans l'éventualité où la Deutsche Bank serait incapable de lever seule les capitaux nécessaires pour couvrir le coût du litige américain. Selon Die Zeit, qui ne cite pas ses sources, l'Etat fédéral pourrait aller jusqu'à prendre une participation directe de 25% au capital en cas d'extrême urgence. De quoi faire avaler à Angela Merkel son chapeau.
Excès de pessimisme?
Mais de fait, beaucoup pensent que la Deutsche Bank ne payera pas 14 milliards de dollars pour solder le litige des " subprimes " pour plusieurs raisons : D'abord la banque n'est qu'au début des négociations avec la justice américaine et peut espérer écoper d'une amende moins sévère. L'amende finale devrait donc dépendre de la solidité financière de la banque. Pour rappel, le groupe, qui a affiché une perte historique l'an dernier, a mis de côté 5,5 milliards d'euros de provisions au titre des milliers de litiges en cours.
Quels scénarios alternatifs?
D'ailleurs plusieurs scénarios alternatifs circulent dans la presse : fusion avec Commerzbank, (que Deutsche Bank reconnaît avoir étudié), scission de Postbank, vente de son activité de gestion d'actifs, nouveau programme de réduction des coûts... Voir un sauvetage par l'Etat.
La seule solution légitime aux yeux des marchés serait d'augmenter son ratio de capitaux propres afin de rassurer les marchés et d'attirer de nouveau les investisseurs. Plus facile à dire qu'à faire ! La banque s'attelle depuis plusieurs années... en vain.
L'objectif est d'atteindre 12,5 % d'ici 2018, ce qui est loin d'être une mince affaire, elle qui se retrouve en queue de peloton dans tous les tests de résistance mondiaux. Presque 18 milliards d'euros sont soit déjà engloutis par les affaires judiciaires de la banque, ou provisionnés pour les procès en cours. La seule solution reste alors l'augmentation de capital sur les marchés, mais encore faut-il donner envie d'y souscrire...
Alors faut-il acheter le titre Deutsche Bank qui vient d'enfoncer ses plus bas historiques? L'action peut-elle aller plus bas en cas d'augmentation de capital ?
Une institution centenaire
L'histoire de la Deutsche Bank commence à Berlin, en 1870 pour promouvoir et faciliter les relations commerciales entre l'Allemagne et les pays étrangers. La banque a notamment contribué au développement international des grands groupes industriels tels que le conglomérat industriel Siemens. C'est d'ailleurs Georg Siemens qui fut le premier président de la Deutsche Bank.
Un leader incontournable
Au fil des années, la banque grossit, se développant grâce à de multiples fusions et rachats sur le marché allemand jusqu'à faire partie des dix banques commerciales les plus importantes au monde. Jusqu'en 2008, lorsque la crise des surprimes a éclaté. La banque qui figurait parmi les plus exposées aux produits dérivés a montré des singes de faiblesse. Elle a d'ailleurs été sauvée par le contribuable.
Plusieurs virages stratégiques
En 2010, elle se renforce dans la banque de détail en finalisant la prise de contrôle de la Deutsche Postbank, et devient un groupe qui compte au total 24 millions de clients privés ou d'affaires allemands, et devient de ce fait la plus grosse banque de détail d'Allemagne. En 2014, la Deutsche Bank poursuit son virage stratégique en se désengageant très fortement de ses activités de trading de matières premières en cédant et en fermant un grand nombre de ses filiales. En 2015, la banque est un acteur incontournable dans le paysage bancaire mondial.
La preuve en quelques chiffres :


Quant à la répartition géographique des revenus, l'Allemagne est logiquement en tête avec 30,7% mais le groupe est également bien implanté dans les pays émergents, notamment en Asie.

Une banque "too big to fail"
Deutsche Bank est un fleuron de l'industrie bancaire allemande. A la fin 2015, Deutsche Bank gère 1000 milliards d'encours. C'est ce qu'on appelle une banque "too big to fail". C'est à la fois une force et une faiblesse.
La Deutsche Bank est en effet l'une des banques les plus importantes de la planète par la taille de son bilan ... près de 1.600 milliards d'euros ! Plus impressionnant, son exposition aux produits dérivés a de quoi donner le tournis. Elle est estimée à 72 800 milliards de dollars, soit presque autant que le PIB mondial (73800 milliards d'euros)...
Avec une telle exposition aux produits dérivés, les autorités ne pourraient pas laisser la Deutsche Bank faire faillite à moins de créer une crise financière digne de 2008. Ce n'est pas étonnant si le FMI considère que le groupe allemand "apparaît comme le plus important contributeur net aux risques systémiques au sein du secteur bancaire international, devant HSBC et Crédit Suisse". Plus impressionnant, son exposition aux produits dérivés a de quoi donner le tournis. Elle est estimée à 72 800 milliards de dollars, soit autant que le PIB mondial (73800 milliards d'euros)...
Avec une telle exposition aux produits dérivés, les autorités ne pourraient pas laisser la Deutsche Bank faire faillite à moins de créer une crise financière comparable à celle de 2008. La perspective est très inquiétante, alors que la banque, on s'en souvient, avait été sauvée par le contribuable à la suite de la crise financière de 2008.
Pour revenir à l'actualité brulante, les autorités américaines pourraient donc freiner leurs ardeurs par peur de plonger dans une grave crise une banque que le FMI estime être la plus susceptible au monde de causer des dommages, par effet domino, en cas de faillite.
Un colosse aux pieds d'argile
Inquiétude sur son état de santé :
Les investisseurs s'inquiètent de l'état de santé de l'établissement bancaire, héritage de ses errements passés. Rien que sur la période 2010-2014, Deutsche Bank a dû mettre en provision pas moins de 14,3 milliards d'euros pour charges et frais juridiques, selon des informations du groupe Der Spiegel. Et la dernière publication du groupe allemand porte les stigmates de ses approximations stratégiques. Au deuxième trimestre, il a vu ses bénéfices fondre à seulement 18 millions d'euros, chutant de 98%.
Un contexte difficile
Comme l'ensemble du secteur européen, Deutsche Bank souffre des très faibles taux d'intérêt, qui pèsent sur ses revenus et son business model , et a fait état de dépréciations sur certains actifs et de nouvelles charges liées à sa restructuration. Enfin la décision des Britanniques fin juin de sortir de l'Union européenne a jeté de l'huile sur le feu, alors que la présence de Deutsche Bank est particulièrement forte au Royaume-Uni.
Des fragilités mises à jour
Parmi 51 banques européennes soumises à des tests de résistance, le n°1 allemand de la finance affiche le plus important déficit potentiel de fonds propres, devant Société Générale et BNP Paribas. En juillet dernier, elle est arrivée en queue de peloton des tests de résistance publiés par l'Agence bancaire européenne (ABE).
Le spectre d'une augmentation de capital
Et pour ne rien arranger, la filiale américaine de Deutsche Bank a échoué pour la deuxième fois consécutive à des tests de résistance organisés par la Réserve fédérale américaine. Plusieurs instituts de recherche, dont le ZEW estime que si le régulateur européen appliquait la méthode de la Réserve fédérale américaine, Deutsche Bank aurait besoin de 19 milliards d'euros de capitaux supplémentaires . Le groupe a beau rejeter cette analyse, pour JPMorgan si l'amende dépassait 4 milliards de dollars, la question d'une augmentation de capital se poserait en raison des provisions supplémentaires nécessaires. Sans oublier que la Deutsche Bank pourrait payer des amendes dans d'autres affaires, comme celles du blanchiment d'argent en Russie et ou encore de la manipulation du marché des changes.
Un passé trouble
Une augmentation de capital dilutive et massive est donc tout à fait envisageable et ce d'autant plus que cela s'est déjà produit par le passé. En mai 2014 plus précisément, la Deutsche Bank lançait une augmentation de capital de 8 milliards d'euros. Moins d'un an plus tard, en avril 2015, elle accepte de plaider coupable et de payer une amende 2,2 milliards de dollars à l'autorité américaine dans le cadre de l'affaire de manipulation du cours du Libor, qui a déjà couté très cher à la banque, 2,5 milliards de dollars.
Or la banque est aux prises avec quelque 8.000 procédures juridiques, d'affaires de manipulation de taux à soupçons de blanchiment d'argent, et la liste ne cesse de s'allonger...
Faut-il acheter l'action ?

Avec une chute vertigineuse du cours de 98% et un titre au plus bas historique, beaucoup se demandent si c'est le moment de mettre une pièce sur ce dossier attractif. Depuis janvier, la Deutsche Bank a vu sa capitalisation boursière fondre de 50% pour tomber sous les 17 milliards de dollars... Une capitalisation équivalente à celle de Twitter, et ridicule pour un fleuron centenaire de l?industrie allemande. Mesure symbolique forte, la première banque allemande a été éjectée l'Euro Stoxx 50, qui regroupe les cinquante plus grands groupes européens cotés en Bourse.
Mais ce n'est pas parce que l'action a dégringolé de son sommet à 110 euros pour atterrir non loin des 10 euros qu il faut l'acheter maintenant. Car les motifs de s'inquiéter ne manquent pas. Outre les incertitudes autour du montant des amendes, le groupe fait face à des difficultés structurelles. La banque Deutsche Bank annonce avoir mis de côté 5,5 milliards d'euros (6,2 milliards de dollars) au 30 juin pour résoudre des litiges en cours. Or une amende supérieure aux provisions existantes renforcerait les chances d'une augmentation de capital, ce qui entamerait encore un peu plus la santé financière de la banque.
Notre avis
Avec 5 analystes à la vente, et seulement un à l'achat, le moins que l'on puisse dire, c'est que le consensus des analystes n'est pas très favorable. Sur la douzaine d'analyste qui suit le dossier, l'objectif de cours se situe autour des 13 euros. Pour notre part, nous conseillons d'attendre que les incertitudes se dissipent, notamment sur le montant de la fameuse amende américaine. Pour l'heure, les incertitudes sont trop nombreuses, le marché n'est pas à l'abri d'une mauvaise surprise, même si le spectre d'une méga amende est déjà intégrée dans les cours.
Ce qui va être déterminant, c'est la confiance des investisseurs quant à la solidité du dossier. Et si une augmentation de capital dilutive et massive venait à se produire, alors on pourrait rentrer sur le dossier à un point d'entrée attractif... à condition que le marché soit partant pour mettre la pain à la poche. Car il y a le risque que les investisseurs ne souhaitent pas y participer, par manque de confiance.
La seule certitude que nous avons sur le dossier, c'est que ni l'état ni les autorités ne pourront laisser cette banque " too big to fail " faire faillite au vu de la taille monstrueuse de son bilan (1600 milliards d'euros ) et de son exposition aux marchés dérivés. Dans tous les cas, la banque sera sauvée, soit par les actionnaires, soit par le contribuable. C'est la seule raison pour acheter le titre. Parier sur une aide extérieure pour recapitaliser la Deutsche Bank.. et encore faut il que la banque réussisse à attirer les capitaux en proposant des conditions particulièrement avantageuses. Mais on attendra que les nombreuses incertitudes se dissipent avant d'acheter le dossier. Car le fait que l'action soit au plus bas historique n'est pas une raison suffisante pour acheter.