Un vent d’anxiété et d’appréhension souffle au sein des ménages français, à la suite des annonces contradictoires en début d’année concernant l’état de la conjoncture sociale et économique. L’épargne financière semble toutefois profiter de la situation, surtout les produits sécurisés tels que l’assurance-vie et le livret A, dont les collectes ont nettement augmenté par rapport aux résultats de 2018. Et ce, en dépit de leurs faibles rendements.
Avec des collectes respectives de près deux et trois milliards d’euros de plus en glissement annuel, entre janvier et avril 2019, il est on ne peut plus clair que le Livret A et l’assurance-vie demeurent les placements fétiches des Français.
Ce qui s’explique de prime abord par leur appétence pour les produits à capital garanti, en détriment de ceux requérant davantage de risques. Mais dans le fond, cet engouement provient d’un sentiment d’inquiétude découlant de divers contextes social et politico-économique.
Toujours est-il que le comportement de ces épargnants semble quelque peu contradictoire étant donné que les supports qu’ils affectionnent rapportent de moins en moins au cours des dernières années, voire rien du tout si l’on considère l’expansion du coût de la vie.
Un repli des rendements, mais un rebond des collectes
Il fut un temps où le Livret A et l’assurance-vie rapportaient des profits élevés. Ces dernières années ont été plutôt marquées par une régression constante de leur rémunération. De fait, celle du livret d’épargne est fixée à 0,75%, un taux historiquement bas, depuis trois ans et sans espoir de révision avant 2020. Le placement à moyen ou long terme, quant à lui, ne fait pas non plus exception en ne rapportant en moyenne que 1,8% (avant imposition) en 2018.
Malgré cette performance qui laisse quelque peu à désirer, les deux placements sont plus populaires que jamais. Pour preuve, les fonds qu’ils ont récoltés durant la période janvier-avril 2019 ont dépassé de quelques milliards d’euros ceux de l’année dernière :
- 10 milliards environ pour le Livret A contre près de 8 milliards en 2018 ;
- 11 milliards environ pour les contrats vie contre 8 milliards en 2018.
Ce qui ramène à un encours de plus de 400 milliards d’euros pour les premiers (celui du livret de développement durable et solidaire ou LDDS inclus) et quelque 1 745 milliards pour les seconds. Et il se trouve que l’affluence a déjà été observée à la fin de l’année, comme le souligne Philippe Crevel. Selon ce dirigeant du Cercle de l’épargne :
« Depuis la fin de l’année 2018, les Français augmentent sensiblement leur effort d’épargne. Le Livret A et l’assurance-vie en sont les principaux bénéficiaires ».
Philippe Crevel
Un choix que le directeur de marché chez une compagnie de courtage, SPVIE Assurances, Mayeul de Roquemaurel explique par l’appétence traditionnelle de la population pour les produits à moindre risque et fiscalement avantageux. Ce qui se traduit par une aversion aux placements exposés à la volatilité des marchés boursiers.
Une conjoncture anxiogène
Pour des ménages en majorité très friands d’économie, il va de soi que le taux d’épargne augmente quand la capacité est en hausse. Et c’est ce qui s’est passé en début d’année où, à la suite des manifestations des gilets jaunes, la population a sensiblement limité leur consommation. En outre, plusieurs mesures ont été instaurées par le gouvernement en vue d’optimiser le pouvoir d’achat des consommateurs, telles que :
- Des primes exceptionnelles,
- Une exonération fiscale pour les heures supplémentaires,
- Des avances sur les réductions d’impôt,
- Un gel de la grille tarifaire des établissements financiers,
- Une remise exceptionnelle sur les frais d’incidents bancaires, pour les plus précaires.
Quoi qu’il en soit, l’inquiétude suscitée par la conjoncture actuelle semble le plus influencer sur l’affluence de l’épargne. D’après Philippe Crevel :
« L’amplification de l’effort d’épargne des ménages s’inscrit dans un contexte économique et social jugé comme anxiogène […] Les Français n’intègrent pas dans leurs comportements l’amélioration en cours du marché de l’emploi ainsi que l’augmentation de revenus. La crainte d’un retournement économique et d’une augmentation des prélèvements ou de l’inflation les incite à la prudence ».
Philippe Crevel
Une explication à laquelle s’ajoute la réflexion du directeur des études et prospectives du groupe BPCE, Alain Tourdjman, lors de son communiqué auprès de l’AFP :
« Le gain de pouvoir d’achat n’a pas été anticipé par les ménages et on se dirige vers un niveau de placement et d’épargne supérieur en 2019 à ce qu’il était en 2018 […] Les Français vont continuer à afficher pour le reste de l’année un taux de placement élevé. Il y a un scepticisme assez traditionnel vis-à-vis de la France et de notre économie. Il y a aussi des préoccupations de long terme, portant sur la qualité de la retraite, l’allongement de la vie ou encore les études des enfants qui renforcent les comportements d’épargne ».
Alain Tourdjman