Les revendications populaires, à travers les Gilets jaunes, perdurent depuis près de dix mois. Si plusieurs motifs semblent alimenter les manifestations, l’optimisation du pouvoir d’achat les a jusqu’ici résumées. Ce qui a été répondu par l’enclenchement de nombreuses mesures gouvernementales en début d’année, permettant aux ménages de percevoir quelques milliards d’euros supplémentaires. Sauf qu’au lieu de consommer davantage, ils se sont plutôt rués vers l’épargne.
Les Français sont sans conteste les champions de l’épargne. Leur nature précautionneuse est d’ailleurs accentuée par le climat anxiogène résultant des différentes conjonctures tant politiques que socioéconomiques, à l’échelle mondiale. À cela s’ajoutent les événements locaux qui ne manquent pas de susciter des inquiétudes.
L’assagissement de l’inflation, l’amélioration du marché de travail, l’octroi de primes ainsi que certaines exonérations fiscales ont contribué à l’augmentation des revenus des ménages et, par voie de conséquence, ont renforcé leur taux d’épargne. Force est toutefois de constater que ce dernier s’est accéléré davantage par rapport à la consommation.
Ce qui n’est pas sans conséquence pour l’économie du pays. Par ailleurs, dans cette affluence pour le placement des fonds, les produits sécurisés s’en sortent à tous les coups vainqueurs.
Un climat anxiogène est propice à l’épargne
De nature historiquement parcimonieuse, les Français se transmettent, de parents à leurs progénitures, leur appétence pour le renforcement de leur bas de laine. La France se trouve d’ailleurs parmi les nations où l’on enregistre un taux fort important en matière d’épargne.
À savoir, le pourcentage le plus culminant est enregistré auprès des retraités. Le fait est que ces seniors, dont le niveau de vie semble être plus élevé, semblent être plus fourmis que cigales par rapport au reste de la population.
Il est en effet à préciser que le solde des revenus, après déduction des diverses dépenses relatives au budget mensuel, constitue le ratio d’épargne. Trois canaux peuvent être considérés pour sa destination :
- Placement des fonds dans des supports financiers ;
- Acquisition d’immobilier neuf ou réalisation de travaux de rénovation de bien usagé ;
- Remboursement des mensualités en cas de souscription de prêt.
Or, il s’avère qu’actuellement, l’immobilier neuf s’est quelque peu modéré pour céder la place aux placements financiers où les supports à capital garanti et les produits liquides, tels que le livret épargne réglementé et l’assurance-vie en euros, sont très plébiscités.
En dépit que leur promesse d’importants rendements sur le long terme, l’investissement à risque n’attire encore que peu d’épargnants. Et il faut dire que l’instabilité des marchés boursiers n’est pas étrangère à ce flagrant désintérêt.
D’autant que bon nombre de ménages sont aujourd’hui inquiets de la situation politico-socioéconomique du pays. Ce sentiment n’est d’ailleurs pas près de s’améliorer, motivant davantage l’épargne de précaution.
Une hausse du pouvoir d’achat en faveur du placement financier
Depuis le début de l’année, le pouvoir d’achat de la masse a bénéficié de sérieux coups de pouce. Au menu, un marché de travail en bonne santé a été enregistré ainsi qu’un repli de la hausse des prix à la consommation par rapport à celle de l’an dernier. Sans oublier les nombreuses mesures d’urgence du gouvernement en réponse aux revendications des Gilets jaunes, entre autres :
- Le rehaussement du SMIC de 1,5% ;
- L’exonération des heures supplémentaires ;
- Le versement d’une prime exceptionnelle, non soumise ni à l’impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux, aux salariés d’entreprise percevant moins de 3 600 euros ;
- Le non-assujettissement de certains retraités à la hausse de la contribution sociale généralisée.
Au total, les gains en pouvoir d’achat perçus depuis 2018 par les Français sont estimés à 8 milliards d'euros. Ce qui a eu pour effet immédiat l’accélération du taux d’épargne, comme le confirme l’économiste Cyril Blesson, associé chez PAIR Conseil et Les Cahiers de l’Épargne, dans ces propos :
À court terme, l'accélération du taux d'épargne s'explique par l'augmentation du pouvoir d'achat dans un contexte d'incertitude et de perte de confiance des ménages avec la crise des Gilets jaunes.
Cyril Blesson
La consommation ne devrait être amorcée qu’ultérieurement. Une situation qui impacte significativement l’économie nationale déjà en situation incertaine étant donné que la croissance de l’activité dépend de l’affluence des consommateurs. Ce qui ne manque pas de faire réagir la Banque centrale européenne en adoptant une politique monétaire expansionniste qui consiste à maintenir à leur niveau plancher les taux d’intérêt.