Si les Français sont autant attirés par les livrets réglementés, c’est sans compter sur le gouvernement qui veut rediriger leur épargne vers des placements au service de l’économie réelle. Le gel du taux du livret A aurait pu y contribuer, mais le bilan de ce dernier pour le compte de 2018 reste toujours très prometteur. Et la sécurité qu’il offre y est certainement pour beaucoup.
283 milliards d’euros d’encours, c’est la preuve que le livret A détient toujours une place importante dans l’épargne des Français. Un phénomène quelque peu contradictoire, si l’on tient compte de son rendement inférieur à l’inflation moyenne. Une rémunération qui est normalement axée à la hausse des prix à la consommation, mais qui est bloquée à un niveau historiquement bas pendant cinq ans successifs, amenuisant dans la même foulée la valeur de l’argent économisé.
Toujours est-il que les incertitudes découlant des contextes politique et socioéconomique actuels poussent les épargnants à prioriser davantage la sécurité. Et il se trouve que c’est le principal atout de ce produit, outre sa liquidité et sa fiscalité avantageuse.
Une rémunération bloquée à 0,75% pendant encore un an
Les rendements élevés du livret A sont bien loin. Depuis 2015, le produit le plus courant en France ne rapporte plus que 0,75%, un taux qui se trouve être le plus bas depuis ses deux siècles d’existence. Et ce gel perdurera encore jusqu’en 2020 au plus tôt.
À savoir, sa rémunération est déterminée à partir d’une formule qui prend en compte l’évolution des prix à la consommation et les taux des marchés financiers, que les autorités ne trouvent pas toujours évidente. D’autant plus qu’elles doivent prendre en considération tous les paramètres environnants, notamment l’intérêt général (les détenteurs, les distributeurs du produit, le logement social financé par le livret) et les taux d’intérêt bas imposés par la BCE.
Force est toutefois de constater que la remontée de l’inflation, de 1,8%, en novembre dernier n’a aucunement poussé l’État à réviser le rendement comme il se doit. Et cela, en dépit des revendications de l’association des consommateurs CLCV. Ce qui risquerait même d’éroder le capital investi.
Mais en fin de compte, le gouvernement espère inciter les épargnants à se tourner vers les placements à risque, plus rémunérateurs, qui contribuent à l’optimisation de l’économie réelle.
Une solide performance malgré tout
La faible, voire l’absence de rentabilité du livret A ne pénalise en aucun cas son attrait. L’Observatoire de l’épargne réglementée le prouve assez dans son dernier rapport. En effet, 55 millions de ce produit ont été ouverts par des personnes physiques, pour détenir plus de 283 milliards d'euros à fin décembre dernier. Soit 72% de plus par rapport aux encours enregistrés il y a dix ans.
Certes, il n’a pas toujours roulé sur des roulettes toute l’année, la saison de la rentrée étant logiquement moins propice à l’épargne, mais le bilan général a été pour le moins positif. L’on peut dire que 2018 a été aussi faste que 2017, pendant laquelle des records ont été enregistrés en l’espace de quatre ans. Ne serait-ce que de citer sa collecte nette (10,24 milliards d’euros cette année-là et 10,08 milliards pour la suivante).
Le climat de tension dans lequel les épargnants évoluent actuellement pourrait expliquer cet engouement, à savoir :
- La situation économique incertaine liée au Brexit ;
- La politique tendue en Italie ;
- La guerre commerciale que se livrent les USA et la Chine ;
- La baisse de croissance en perspective.
Il est normal que les ménages veuillent sécuriser leur argent. Un atout que le livret A a depuis toujours mis en avant, son exonération fiscale et sa liquidité mises à part. À Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, de préciser :
« C'est quelque chose de très classique, quand la période est un peu agitée, on va vers les valeurs sûres […] Pour la première fois depuis 35 ans, le taux réel du Livret A est négatif, ce qui n'a pas empêché les épargnants de placer beaucoup d'épargne sur ce produit. On voit bien, donc, que ce n'est pas le rendement qui est recherché, mais la sécurité ».
Philippe Crevel