Le point sur les anticipations de Dorval AM pour 2021 sur l'économie mondiale et les marchés financiers avec François-Xavier Chauchat.
François-Xavier ChauchatMembre du comité d'investissement,économiste et stratégiste |
Meilleurtaux Placement : Dans quel état l’économie mondiale et les marchés abordent-ils 2021, après une année 2020 très mouvementée ?
François-Xavier Chauchat (Dorval AM) : La résilience des marchés et de l’économie mondiale a été très frappante en 2020. La fermeture des économies a été prise en charge par les autorités budgétaires et monétaires. Les revenus des ménages ont quant à eux été sauvegardés, voire augmentés, ce qui est particulièrement atypique dans une situation de récession. Ces revenus ont été investis dans la consommation de biens, plutôt que dans les services comme le tourisme ou la restauration par exemple, qui ont subi la crise de la pandémie.
Sur le plan économique, la reprise a été beaucoup plus forte qu’anticipée par les économistes, qui se sont montrés très prudents jusqu’à l’été. Au 4ème trimestre 2020, le PIB mondial a retrouvé son niveau de fin 2019, malgré la deuxième vague de la pandémie. On démarre donc 2021 sur un niveau beaucoup plus élevé que prévu.
En tandem avec la reprise de l’économie, on a observé une remontée des bourses mondiales, avec un surplus de performance lié au secteur numérique très représenté en Bourse, contrairement à l’économie des services.
Cela permet d’espérer, sous réserve que les campagnes de vaccination parviennent à faire reculer la pandémie, que l’économie revienne à sa trajectoire d’avant-crise. La croissance mondiale avant le Covid-19 était de l’ordre de 3 % par an. Il est possible de rattraper les 3 % perdus en 2020 et de connaître une croissance de 6 % en 2021, à condition que la pandémie soit progressivement maîtrisée et que les soutiens budgétaires et monétaires perdurent.
« En Europe, il ne faudra pas avoir peur d’en faire trop sur les mesures de soutien »
Quels sont les principaux facteurs qui appuient le consensus optimiste quant à ce retour à la trajectoire d’avant-crise pour l’économie mondiale ?
On peut retenir trois facteurs principaux : la capacité de rebond de l’économie, qui a été prouvée en 2020, l’avancée de la vaccination, avec en corollaire la réouverture des services qui ont été fermés, et la poursuite des mesures de soutien.
Sur ce dernier point, le soutien aux ménages américains, qui leur a permis d’augmenter leurs revenus en 2020, devrait se poursuivre en 2021, sous l’impulsion notamment du plan de relance proposé par Joe Biden. En Europe, la question se pose davantage et il faudra continuer le travail engagé dans ce sens sans avoir peur d’accroître la dette publique.
Il ne faudra pas avoir peur d’en faire trop car le risque est plutôt de ne pas en faire assez. Ce ne sera pas une évidence compte tenu de la tradition d’orthodoxie budgétaire des pays d’Europe du Nord. Le plan de relance de l’investissement en Europe, qui est à distinguer de l’injection de revenus dans l’économie mise en place aux Etats-Unis, est un élément positif mais il ne remplacera pas les mesures de soutien à court terme aux entreprises et aux ménages.
Ailleurs dans le monde, les mesures de soutien pourraient également être remises en question dans les pays émergents, pour des raisons différentes. Ces pays sont moins solides financièrement que l’Europe et portent un risque de réputation plus important, qui pourrait les dissuader de creuser les dettes publiques.
La remise en cause des mesures de soutien constitue, à vos yeux, le risque principal pour la reprise de l’économie ?
En dehors du sujet de la pandémie à proprement parler, c’est effectivement le principal facteur de risque identifié, en particulier pour l’Europe ou du moins certains pays moins à l’aise avec des mesures de soutien à court terme et qui hésitent à utiliser le levier budgétaire comme l’Espagne ou l’Italie par exemple.
Aux Etats-Unis, la situation est différente. Si le plan Biden est voté et stimule les revenus, il devrait engendrer un rattrapage très fort de l’économie. Si ce scénario se matérialise et s’accompagne du développement de la vaccination permettant une maîtrise de la pandémie, la Réserve Fédérale pourrait envisager de revoir progressivement sa politique accommodante à partir de 2022. Le risque relève donc davantage de la politique monétaire de l’autre côté de l’Atlantique.
« Les actions sont un peu chères mais conservent leur attractivité »
Sur les marchés, à quoi faudra-t-il prêter attention en 2021 ? On observe par exemple une concentration des profits, qui sont générés par un petit nombre d’entreprises, comme les GAFAM dans le secteur technologique. Est-ce que ce phénomène peut perdurer en 2021 et affecter l’évolution des marchés ?
Depuis quelques années, on observe qu’un petit nombre d’entreprises captent une part impressionnante des profits mondiaux. Il s’agit des GAFAM aux Etats-Unis mais aussi des valeurs du luxe en France par exemple.
La reprise économique en cours, et son accélération, va participer à la diffusion des profits à un plus grand nombre d’entreprises. La croissance des profits devrait devenir moins rare pendant un an ou deux. Ne serait-ce que par effet de base statistique, la remontée de l’activité devrait rendre des croissances de l’ordre de 30 % relativement banales pour les valeurs cycliques et celles qui ont le plus souffert de la crise épidémique. Cette diffusion des profits devrait porter les marchés jusqu’à un certain point, avant l’émergence d’angoisses d’excès et de formation de bulles.
A ce propos, faut-il s’inquiéter de la formation de bulles boursières, au vu de certaines valorisations particulièrement élevées, dans le secteur technologique par exemple ?
La crainte de bulles est étayée par des marqueurs, comme l’afflux d’investisseurs particuliers à la recherche de profits à court terme par exemple. De tels afflux ont été observés en 1929, en 1987 ou au début des années 2000.
Depuis à peu près un an, les investisseurs particuliers reviennent en nombre vers la Bourse, surtout aux Etats-Unis mais également en Europe et en France. Mais il existe des différences majeures entre la situation actuelle et celle du début des années 2000. Si vous regardez les valorisations boursières à l’échelle de l’indice MSCI World, elles sont légèrement supérieures à la moyenne historique. Donc les actions sont un peu chères mais leur prime de risque face aux obligations conserve toute son attractivité.
Pour 2021, si les marchés montent sans excès et de manière diffusée, on ne sera pas face à un risque d’éclatement de bulle. En revanche, si les acheteurs font preuve d’un enthousiasme excessif et indiscriminé, lié notamment à la fin de l’épidémie et à une forte reprise économique, ces indicateurs de bulle devront être surveillés. Mais nous n’en sommes pas là à ce stade.
« Epouser la dynamique positive du cycle mondial »
Pour finir, pouvez-vous nous parler de la stratégie d’investissement privilégiée par Dorval AM pour 2021 ?
Notre stratégie est d’épouser la dynamique positive du cycle mondial, à travers des thématiques de croissance structurelle, comme la numérisation ou la transition énergétique, mais aussi des dynamiques beaucoup plus cycliques, liées à la reprise de l’économie mondiale et notamment la reprise industrielle. A terme, nous pourrions nous intéresser également à certaines valeurs financières, sous réserve d’une baisse de la prime de risque. Nous épousons ces cycles et ces tendances, en sachant que nous aller rester attentifs aux valorisations dans les thématiques les plus en vogue.
L’investissement socialement responsable (ISR) est également un pilier majeur de notre stratégie, puisque tous nos fonds sont labellisés ISR. Nous nous appuyons sur un univers de valeurs composé d’entreprises responsables. L'univers d'investissement initial est filtré à hauteur de 20 % à minima par l'exclusion des sociétés ne respectant pas la politique d'exclusion et de gestion des controverses de Dorval AM ainsi que de celles les moins bien notées et de celles ayant une note éliminatoire sur au moins l'un des piliers ESG , selon la méthodologie interne développée par Dorval Asset Management, Nous privilégions les entreprises avec la meilleure gouvernance, car ce sont leurs efforts dans ce domaine qui leur permettront de s’adapter à un environnement réglementaire, fiscal et social extrêmement changeant au cours de la décennie à venir.
A savoir
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