Après de nombreux bouleversements ces dernières années, l'environnement de l'épargne s'annonce étonnamment stable en 2016. Faut-il y voir l'approche de l'élection majeure de l'année suivante ? Toujours est-il que la Loi de Finances 2016 ne s'est intéressée que de façon marginale à l'épargne des ménages.
Les taux et seuils en vigueur restent inchangés : aucun taux de prélèvement n’est modifié, ni forfaitaire ni de barème, le plafond des niches fiscales ne varie pas davantage que le seuil de déclaration à l’ISF, les diverses échéances des franchissements de seuil ou exonération ne sont pas modifiées ; la fiscalité de l’assurance vie ne bouge pas. Ni la retraite. Il faut se pencher sur les aspects qualitatifs pour trouver les nouveautés. En voici quelques-unes, qui à l’exception de la première ne concerneront qu’un nombre restreint d’épargnants.
Le fichier Ficovie
L’entrée en vigueur de ce fichier, prévue au 1er janvier mais effective d’ici quelques mois seulement, met un terme à la relative discrétion qui accompagnait jusqu’à maintenant l’ouverture d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation. Ce fichier sera alimenté par les déclarations des compagnies d’assurances et des mutuelles, qui devront désormais faire connaître toutes les souscriptions et rachats des contrats d’assurance vie ou de capitalisation dès lors qu’ils sont supérieurs à 7 500 €. Les organismes gestionnaires des contrats auront deux mois pour effectuer la déclaration au fichier, qui devra mentionner les coordonnées des souscripteurs (état civil, résidence), ainsi que les caractéristiques du contrat : nature, date de souscription ou de rachat, nom de l’assureur. Ficovie devrait permettre de mieux identifier les vieux contrats qui n’ont pas été réclamés. Mais sa mise en place s’inscrit avant tout dans le cadre de l’intensification de la lutte contre la fraude fiscale : un amendement récent en ouvre d’ailleurs l’accès aux officiers de police judiciaire.
Davantage de titres transmissibles via l’assurance vie
La transmission des titres détenus dans un contrat d’assurance vie, et non seulement le versement en numéraire, lors de son dénouement est une disposition peu connue. Un décret en élargit le champ en ouvrant la possibilité de détenir au sein d’un contrat de titres ou de parts non négociables sur un marché réglementé ou de parts ou actions de certains fonds d’investissements alternatifs (fonds communs de placement à risque notamment).
Récupération des aides sociales via l’assurance vie
Dans le cadre du financement de l’adaptation de la société au vieillissement, une loi prévoit que les donataires ou bénéficiaires de contrats qui avaient été alimentés par des bénéficiaires d’aides sociales devront reverser, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans, lesdites aides aux organismes sociaux.
Latitude réduite pour la gestion de comptes de mineurs
Sous prétexte de protéger les intérêts des mineurs, une ordonnance étend aux contrats d’assurance vie l’obligation d’obtenir l’agrément du juge des tutelles pour effectuer des opérations de placement et d’arbitrage dans le cas d’un contrat géré par les administrateurs légaux d’un mineur. L’objectif est ici une sécurisation maximale de l’épargne au détriment de la prise de risque. Cette disposition aboutit in fine à abolir pratiquement la recherche d’une gestion performante pour ces contrats.
Ajustement de l’ISF PME
La France applique à partir de 2016 une directive européenne relative aux aides d’Etat qu’elle a tardé à mettre en œuvre, qui concerne l’aide aux PME via la défiscalisation. La modification du régime ne concerne que l’ISF PME et n’affecte pas l’investissement au titre de l’IR. Concrètement, l’investissement défiscalisant sera réservé aux sociétés dont la création ou la première facturation date de moins de sept années (FIP) ou de moins de dix années (FCPI) ; une exception sera toutefois consentie dans le cas de sociétés avec de forts besoins d’investissement, définis comme supérieurs à 50 % du chiffre d’affaires moyen des cinq dernières années. De plus, les sociétés ayant déjà bénéficié d’apports de capitaux via l’ISF PME – comme celles ayant déjà reçu un montant total d’aide de 15 millions d’euros - ne pourront plus en recevoir à ce titre. Cette disposition va fortement réduire l’univers d’investissement éligible, surtout dans le cas des FIP pour lesquels aucune limite d’antériorité n’était jusqu’ici exigée. Cet aspect de la réforme s’accompagne d’assouplissements, mais aussi d’autres restrictions :
- Le projet de loi met l’accent sur la participation au capital, mais conserve la possibilité d’investir via des obligations convertibles dont beaucoup de gestionnaires ont usé afin de réduire le risque inhérent à ce type de fonds ; les avances en compte courant restant autorisées, et la loi donne l’éligibilité aux apports en nature nécessaires à l'activité de l'entreprise (hors actifs immobiliers et valeurs mobilières).
- Les cessions entre deux et cinq ans n’entraîneront pas de reprise fiscale si les sommes reçues sont réemployées de façon similaire dans un délai de douze mois.
- En revanche, ne seront plus éligibles les sociétés cotées sur un marché réglementé ; celles cotées sur Alternext ou le Marché libre par exemple le restent. Cette exclusion ne concernera qu’un nombre limité de PME, mais dont les actions, de par la liquidité qu’elles procurent, se trouvaient parfois dans les portefeuilles des FCPI/FIP.
- Les opérations de capital transmission ne seront plus autorisées.
- La possibilité pour un dirigeant d’entreprise d’investir dans le cadre de l'ISF PME dans sa propre société est réduite de par l’émergence de la notion « d’engagement de suivi » : en clair, s’il n’a pas déjà investi à ce titre dans sa société, il ne peut désormais plus le faire ; et encore faudra t-il de plus que l’entreprise ait conservé son indépendance capitalistique.
Un amendementfixe l’adoption du nouveau régime au 1er janvier 2016 pour l’ensemble des investissements, en direct ou collectifs. Tout placement effectué et tous les fonds agréés avant cette date resteront régis selon le dispositif alors en cours, sans aucune obligation de conformation à celui à venir.
Rectification du régime des moins-values mobilières
Il ne s’agit pas là d’une nouveauté législative, mais un récent avis du Conseil d’Etat intéresse les détenteurs de compte-titres. Cette autorité a en effet annulé la doctrine relative au traitement des moins-values reportables en vigueur depuis 2013. Le dispositif appliquait aux moins-values le même abattement qu’aux plus-values pour la durée de détention des valeurs mobilières. Il aboutissait donc à favoriser un comportement spéculatif de court terme au détriment de la détention patiente des titres, ce qui allait à l’encontre de l’esprit de la mesure relative aux plus-values. La décision du Conseil d’Etat implique que les moins-values sont à nouveau retenues, dès 2015, pour leur montant nominal sans modification. Mais l’arrêt a également valeur rétroactive ; par conséquent, les contribuables concernés sont fondés à réclamer à l’administration fiscale une rectification de leur imposition des années 2013 et 2014. Il est cependant recommandé de bien chiffrer au préalable les conséquences d’une telle requête.