"Aujourd'hui en France, on utilise encore le cash dans à peu près la moitié des transactions. Ce qui est insensé !" Rencontre avec Cyril Chiche le fondateur de l'application Lydia.
Le CEO de Lydia, nous présente son application de paiement mobile.
Meilleurtaux Placement : Pouvez-vous nous présenter Lydia ?
Lydia est ce qu'on peut appeler une " fintech ", c'est à dire une start-up des services financiers. Elle a été créée en septembre 2011 et lancée en juin 2013. C'est une application de paiement mobile qui permet à la fois de se rembourser entre particuliers mais aussi de payer des professionnels en mobilité. Cela va du plombier au professeur de piano par exemple. Notre application peut également être utilisée pour des paiements dans des magasins physiques ou en ligne. C'est un moyen simple, efficace et instantané de pouvoir disposer de son argent comme bon vous semble.
MF : Pourquoi avez-vous nommé votre entreprise Lydia ? Comment l'idée de Lydia est-elle née ?
Le nom Lydia vient du royaume de Lydie (Lydia en grec, part de l'actuelle Turquie) où furent frappées les premières pièces de monnaie, au VIIè siècle av. J.C. Des pièces en electrum, un alliage naturel d'or et d'argent abondamment présent dans le fleuve Pactole, qui ont fait la richesse du royaume. Le dernier et le plus célèbre des rois de Lydie n'est autre que Crésus. Pactole et Crésus sont des termes qui sont passés à la postérité et employés couramment pour signifier la richesse. Il nous est apparu sympathique de faire un clin d'oeil. Le choix du nom Lydia est donc un clin d'oeil symbolique de la technologie de paiement la plus moderne à toute l'histoire de la monnaie. Notre rôle est de s'inscrire dans cette évolution des modes de paiement. Ceux-ci n'ont pas évolué ou très peu depuis 28 siècles ! Aujourd'hui en France, on utilise encore le cash dans à peu près la moitié des transactions. Ce qui est insensé !
MF : Lydia se positionne donc comme une société prête à bousculer les codes du paiement...
Oui ! En France, on tend vers une société qui utilise de moins en moins de liquide. D'abord, les pouvoirs publics souhaitent réduire l'utilisation du cash, ne serait-ce que dans un souci de traçabilité des transactions. Ensuite, les entreprises veulent également limiter les transactions en liquide, à cause du transport et de la sécurité de celui-ci. Et pourtant en France, on nous a pas mis dans les mains les moyens qui nous permettent de passer à l'étape d'après. Lydia a donc un rôle à jouer dans cette transition vers le "less cash " à commencer par la jeune génération. Cette dernière a une appétence toute particulière pour les nouvelles technologies dont notre application.
MF : Où en êtes-vous dans votre phase de développement ? Vous revendiquez combien d'utilisateurs de lydia à ce jour ?
Beaucoup diraient que notre développement est " spectaculaire ". A ce jour, nous sommes le numéro un européen en termes d'utilisateurs. Nous revendiquons plus de 750 000 utilisateurs actuellement et nous avons un peu plus de 1.700 utilisateurs qui viennent ouvrir un compte chez nous chaque jour. En un mois, nous gagnons donc 50.000 nouveaux utilisateurs. On réalise donc une très belle croissance et elle s'est nettement accélérée début 2016. Pour donner un ordre de grandeur, entre le lancement en juillet 2013 et la fin 2015, nous sommes passés de 0 à 200.000 utilisateurs. Et sur l'ensemble de l'année 2016, nous avons grimpé à 600.000 utilisateurs. À la fin mars de cette année, nous étions à 750.000 utilisateurs.
MF : Vous attendez quel rythme de croisière dans votre développement ?
On n'a pas de plan de marche préétabli, nous avançons à notre rythme. Par la force des choses, il y a ce qu'on peut appeler un " effet réseau " magique puisqu'on ne fait pas de transactions avec soi-même. Et plus il y a d'utilisateurs de notre application Lydia, plus le potentiel de croissance est rapide...
MF : Comment espérez-vous imposer Lydia à Monsieur et Madame " Toutlemonde " et non plus à la jeune génération férue de nouvelles technologies ? Ciblez-vous une clientèle professionnelle également ?
La jeune génération et monsieur et madame " Toutlemonde ", à un moment donné, c'est la même chose. Elle n'est plus étudiante et commence à mettre un pied dans le monde du travail. Et dans les entreprises, on fait des pots de départs, des enveloppes pour des cadeaux...On espère profiter de ces rites sociaux pour démocratiser Lydia. Quant aux étudiants, ils ont des parents et quand ils ont besoin d'argent, quoi de mieux que Lydia pour transférer cet argent rapidement. On a également beaucoup de professionnels qui viennent à nous parce qu'ils l'ont utilisée en tant que particuliers ou quand ils étaient étudiants. Nous sommes convaincus d'une chose, c'est que le système de paiement atteint une masse critique d'utilisateurs. Et s'il existe un nombre important d'utilisateurs, les grands commerçants en réseau physique ou en ligne auront aussi tout intérêt à implémenter notre moyen de paiement pour capter cette clientèle. Si vous pesez suffisamment lourd dans un pays, ces mêmes commerçants auront tout intérêt à mettre un bouton payer avec Lydia. Leur métier, c'est avant tout de faire plaisir à leurs clients.
MF : Avez-vous déjà procédé à des tours de table pour Lydia ? Si oui pour quel(s) montant(s) ?
Notre dernier tour de table date de l'été 2016 et nous avons levé 7 millions d'euros à cette occasion avec les investisseurs qui étaient déjà présents et (des) nouveaux sont rentrés tels que New Alpha Fintech et Oddo & Cie. Nous avons fait un premier tour de table en love money, au tout début de notre aventure, avant le lancement effectif de Lydia en juin 2013. En juillet 2014, nous avons levé un peu plus de 3 millions d'euros auprès de familly offices (Delcube et Duval Fintech) et d'un fonds d'investissement (XAng).
Interface de l'application lydia
MF : Les entreprises qui ont participé à des levées de fonds pour lydia vous accompagnent-elles toujours ?
Oui ! Et avec du recul, on se dit qu'ils ont été dingues de suivre une petite entreprise de quelques personnes qui avait comme ambition de challenger l'utilisation de l'argent en Europe. Et au final, plus nous avançons et plus ils ont de bonnes raisons d'y rester ! Ce qui m'étonnera toujours ce n'est pas qu'ils nous aient suivis. Non ! C'est qu'ils ont parié sur nous et notre réussite ! J'espère que chaque pas qu'on fait les conforte toujours un peu plus d'avoir pris ce pari fou.
MF : Lydia, Votre entreprise, est-elle déjà rentable ?
On est encore très loin de l'équilibre puisque nous sommes encore en phase massive d'investissement et encore plus prochainement avec l'ouverture de l'activité dans de nouveaux pays. Néanmoins, je pense qu'on sera à l'équilibre en tout cas en France au premier semestre 2018. C'est un business qui est sain. En France, il est difficile de lever des fonds pour financer une activité qui n'est pas fondamentalement saine. Ce n'est pas pour rien qu'Amazon est né aux Etats-Unis. Pour aller plus vite, on aurait pu faire des campagnes massives de pub. Mais au final pour être confronté à une croissance qu'on n'aurait pas su gérer ? On préfère reposer notre activité sur une croissance saine et maitrisée.
MF : Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru depuis la création de votre entreprise ?
J'ai coutume de dire aux équipes qu'on a couru les 195 premiers mètres d'un marathon. Que c'est extraordinaire. Mais on ne court pas le 200 mètres mais bien un marathon ! Et de ne pas oublier que notre ambition n'est pas franco-française mais bien à l'international ! Il faut donc qu'on reste concentrés dans notre course mais en même temps, on doit se dépêcher pour conserver notre avance.
MF : Avez-vous des projets en cours pour Lydia ? Comptez-vous un développement à l'international ?
Nous allons avoir un rythme d'ouverture très soutenu. Fin février, nous avons lancé l'activité en Irlande et cela sera suivie quelques semaines après par le Royaume-Uni et ensuite l'Espagne. À la rentrée, nous prévoyons de nous étendre en Allemagne et en Autriche. On a un plan agressif. Il y a aucune raison de se dire que notre application qui prend bien en France ne marcherait pas à l'international. Dans tous les cas, nous pouvons nous étendre qu'en Europe pour des questions réglementaires. On a de la chance dans l'Union Européenne d'avoir le même règlement. Nous n'allons pas aller aux États-Unis pour demander des agréments dans chacun des États alors que l'Europe offre un terrain de jeu extraordinaire à exploiter.
Propos recueillis par Sabrina Sadgui