2018 débute avec des marchés en pleine forme. Le dilemme se définit entre la tentation de suivre la hausse et la crainte d'investir sur un sommet.
Achevé de rédiger le 24/01/2018
L’année 2018 débute avec des marchés d’actions en pleine forme. Emmenées par la hausse incessante des indices américains -le S&P500 s’est accru de 45% en deux ans et a quadruplé depuis le point bas d’il y a neuf ans-, la quasi-totalité des places boursières sont à un niveau record. Ce mouvement sans faiblesse apparente s’appuie sur une conjoncture mondiale qui se renforce régulièrement depuis la mi-2016. Economie au beau fixe, finance calme et efficacement contrôlée conduisent en grande majorité à des prévisions de poursuite de la hausse, avec des nuances quant à l’ampleur, mais la direction n’est guère discutée. Quelques éléments pourraient tout de même remettre en cause cette conviction très partagée, sur le front de l’inflation et par conséquent des taux d’intérêt, ou sur celui des changes avec notamment le recul du dollar. Pour l’épargnant de plus en plus dissuadé des placements sécurisés, le dilemme se définit entre la tentation de suivre le train de la hausse et la crainte de renforcer ou d’investir sur un sommet.
Les anticipations, à vrai dire assez éparses, d’une résurgence de l’inflation ont été régulièrement démenties ces dernières années ; les indices de prix sont demeurés très calmes dans les pays industrialisés et ont globalement ralenti, sauf exception, dans les pays émergents. Ils évoluent très modestement, en-dessous des objectifs des banques centrales, au point que ces dernières ont clairement cherché à stimuler la hausse des prix afin d’alléger un endettement qui, lui, ne diminue pas du fait de la relance de la dynamique économique. La tentative n’a pas rencontré le succès jusqu’il y a peu, mais l’observation des tendances depuis le 2nd semestre 2017 suggère que les choses sont en train de changer, sous l’influence de plusieurs facteurs :
- La création monétaire surabondante depuis des années, consécutive aux politiques de « taux zéro » ;
- Le retour au plein emploi dans un nombre croissant d’économies, qui débouche sur des hausses de salaires et des revendications sous l’éteignoir ces derniers temps, comme en témoigne par exemple l’inattendu mouvement social en cours en Allemagne ;
- En corollaire, le débat universel sur la hausse des inégalités, qui pousse à un relèvement des revenus modestes ;
- La sollicitation des ressources, accrue par la reprise. Si les prix alimentaires restent sages, ceux de nombre de matières premières industrielles ont repris de la hauteur, en particulier les métaux et l’énergie. Le baril de pétrole Brent, exprimé en dollars, monte de près d’un quart en un an et surtout de 40% en six mois, tendance que la discipline retrouvée de l’Opep est de nature à prolonger.
Certes, le retour à la grande inflation n’est pas pour demain. Cependant, le souscripteur allemand en Bund à dix ans d’échéance perd actuellement 1,2% par an avant toute fiscalité ; aux Etats-Unis, le débordement des 2,5% de rendement par les T-bonds de même durée traduit une anticipation d’accélération des hausses de prix, alimentée par la faiblesse du dollar. La conclusion unanime qui en découle est que les banques centrales vont à terme assez proche arrêter les « QE » (rachats de titres de dette) encore en cours et entamer (BCE, Banque du Japon) ou poursuivre (Fed, Banque d’Angleterre et bien d’autres) les relèvements de taux directeurs.
La remontée des taux n’est pas l’amie des actions. Parce que le mouvement ne fait que débuter, et qu’il part de très bas, le péril pour les bourses n’est pas imminent de ce point de vue. Accompagnée par le renfort de l’activité, cette remontée peut même être favorable quelque temps aux secteurs cycliques ; à terme, elle réduira la liquidité, freinera l’économie et privera les bourses d’une partie de leur carburant. Ce moment approche, et le rôle de la bourse sera tôt ou tard de l’anticiper.
Un autre domaine où l’investisseur doit être attentif est le marché des changes. Le dollar a perdu près de 13% contre euro en un an, avec une accélération récente. Le sterling ne s’est pas remis de sa chute post-Brexit. Les niveaux actuels ne mettent pas encore gravement à mal la compétitivité européenne, mais ils l’érodent, et un éventuel franchissement rapide de la zone des 1,25 $ pour un euro risquerait de déboucher sur une réévaluation brutale des perspectives d’exportation et donc de croissance, avec les dégâts induits sur les cours des actions. Il convient de surveiller l’instabilité des devises, encore acceptable mais préoccupante, et se souvenir que selon l’adage maintes fois vérifié, les crises boursières prennent souvent naissance sur le marché des changes.
En Europe, il faut aussi conserver une relative prudence vis-à-vis du scrutin italien du 4 mars. Le rendement des emprunts d’Etat, proche de 2%, soit 0,5% de plus qu’en Espagne pourtant aux prises avec le problème catalan, signale la réserve des investisseurs face à une élection susceptible de consacrer, ou au moins de renforcer, les partis populistes opposés plus ou moins ouvertement à l’Europe. Leur arrivée en force à la Chambre serait de nature à relancer les craintes sur la stabilité européenne, avec possiblement à la clé des tensions rappelant celles vécues avec la Grèce. La soutenabilité de la dette d’Etat italienne, obstinément collée autour de 130 % du PIB, serait vite remise en cause par une défiance des investisseurs malgré l’excédent budgétaire primaire -que les populistes se disent décidés à abandonner.
Pour l’épargnant français, trop longtemps habitué au confort hors norme des fonds en euros, le contexte actuel est difficile. Son produit fétiche a vu son rendement peu à peu réduit comme peau de chagrin jusqu’à amener, pour la première fois depuis des décennies, à une très probable perte de pouvoir d’achat en 2018, entre taux au plancher et légère brise sur les prix. De plus, l’Etat et les assureurs se liguent pour le pousser et demain peut-être le contraindre à s’exposer davantage aux marchés. Le premier veut réorienter une partie de l’épargne vers le soutien aux PME et à la sphère économique, les seconds s’inquiètent de leur risque bilantiel en prévision d’une inéluctable remontée des taux. L’abrogation de l’impôt sur le capital mobilier (ISF) et l’adoption du prélèvement unique (« flat tax ») à 30% sont censés attirer les épargnants vers l’arène financière ; mais on n’abandonne pas facilement une forte préférence pour la sécurisation des placements. Et de la forte hausse boursière cumulée des six dernières années : +75 % pour le Cac 40, sans même comptabiliser les dividendes, les Français retiennent davantage les trous d’air intermédiaires -crise des émergents de 2013, krach estival venu de Chine de 2015, Brexit en 2016- qui l’ont émaillée. Leur appétence pour le risque est largement inexistante.
Et l’on peut se demander si le moment est bien choisi ? Les bourses montent depuis des années et baignent en ce début 2018 dans un climat proche de l’euphorie. Après tant de hausse, les valorisations, notamment aux Etats-Unis, ne sont plus très éloignées des seuils qui avaient précédé les violents reculs des décennies précédentes. Le ferme soutien économique est un atout, mais ne peut être le facteur unique d’évaluation des marchés. Le sens presque unanime des prévisions doit interpeller. On conseillera de conserver une exposition modérée, assortie de produits peu risqués, de réaliser des bénéfices là où les hausses ont été les plus vives et pour ce qui est de la détention d’actions, de privilégier les gestions qui s’intéressent avant tout aux sociétés bien davantage qu’à celles qui suivent les tendances du marché. La fin d’une hausse ne peut être déterminée, mais l’observation du graphique boursier dans une tendance historique suggère fortement que pour ce cycle, le chemin déjà effectué est bien plus long que celui qui reste à faire.
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