Des marchés en cours de consolidation
Depuis leur point haut de la mi-avril, les marchés européens, qui avaient gagné près d’un tiers en à peine quatre mois, ont rendu près de 10 %. A l’exception notable de la Chine, que sa frénésie haussière actuelle en solitaire rend de ce fait éminemment vulnérable, presque tous les autres marchés affichent une consolidation plus ou moins appuyée. Celle-ci n’est sans doute pas encore parvenue à son terme, mais l’on retrouve au gré de la baisse des cours des valorisations plus réalistes qui permettront d’équilibrer l’offre et la demande dans un avenir assez proche. Les motifs de l’envol des cours en début d’année restent d’actualité même si la dynamique a été enrayée : le taux de change pondéré de l’euro a nettement reculé, le pétrole reste moins cher en dépit du sursaut de 20 % du prix du baril, les liquidités disponibles sont considérables, à des conditions encore exceptionnelles à ce jour. Résultat logique : les bénéfices s’améliorent dansl’ensemble, du moins en Europe et au Japon ; mais il faut noter qu’ils plafonnent aux Etats-Unis, voire se dégradent pour les sociétés ouvertes sur l’extérieur. C’est là la rançon du dollar plus fort, et aussi de l’approche du plein-emploi et de la saturation des capacités de production dont l’Europe est encore (très) éloignée, mais qui vont justifier un resserrement de la politique monétaire américaine.
La question de la Grèce
Les dernières péripéties autour des échéances de remboursement de la Grèce étaient hautement prévisibles, tant étaient béantes les divergences entre les promesses de relance de Syriza et les exigences des créanciers. On peut techniquement déplorer que les électeurs grecs aient décidé de relâcher l’effort au moment précis où la purge était terminée, relançant l’instabilité financière, mais surtout la récession dans leur propre pays ; mais cela exprime la fatigue des peuples, dont les opérateurs de marchés ne manqueront pas de se défier à l’approche des prochaines élections, notamment en Espagne. Du strict point de vue financier, une défaillance de la Grèce – qui, rappelons-le, a déjà eu lieu partiellement - n’aurait qu’une incidence mineure ; c’est l’effet potentiel sur la zone euro et la construction européenne qui est redouté. Nul ne sait, mais tout le monde craint, quelles en seraient les conséquences, et c’est pourquoi l’intérêt collectif présumé commande de poursuivre de délicates négociations. Dans l’intervalle, les marchés s’agitent.
Une sortie de la Grèce de la zone euro, voire de l’Europe, serait presque anecdotique économiquement parlant. Mais dans le contexte actuel d’un aplatissement d’une reprise déjà bien modeste, cette éventualité constitue un élément supplémentaire de doute. Si les indicateurs se sont bien redressés depuis six mois, leur incapacité à accélérer depuis mars déçoit. Le potentielde croissance de l’Europe reste désespérément faible, et l’adaptation de ses économies à la nouvelle donne mondiale trop lente. De ce fait, les bourses s’interrogent, à juste titre, sur le bienfondé de leur montée rapide en début d’année. L’augmentation des bénéfices n’est pas remise en cause, mais son rythme sera moins rapide que les chutes concomitantes de l’euro et du pétrole ne l’avaient laissé espérer à beaucoup.
La hausse des rendements, une vraie menace
Le rebond récent des taux d’intérêt nous semble, à terme, une menace plus lourde que les à-coups de l’activité, tant pour les marchés que pour l’économie. Il est facile de faire dans le spectaculaire en observant la multiplication par huit des taux de l’emprunt allemand à 10 ans en sept semaines : autour de 1 %, le taux pratiqué aujourd’hui reste extrêmement bas en regard des normes de long terme. Mais la direction prise a une portée autrement plus large : c’en est fini dugrand mouvement de compression des rendements des emprunts, qui aura duré 35 ans, et qui avait amené dans les derniers mois à des situations absurdes d’apports massifs de capitaux à des rendements négatifs, créant une euphorie malsaine sur les marchés. Durant un bref instant, 40 % de la dette cumulée des pays de la zone euro s’est traitée à taux négatif ! Ce coup d’arrêt à la décrue est aussi un coup de semonce pour les agents endettés, à commencer par les états ; le service de la dette va augmenter à nouveau, avec le risque que l’encours suive la même direction. Le danger n’est pas immédiat : la remontée des rendements laisse ceux-ci à des niveaux que l’on n’imaginait même pas en Europe il y a encore un an, et très faibles aussi ailleurs. Mais elle menace déjà certains « périphériques » tels l’Italie ou le Portugal, ou même la France ; avec une inflation pratiquement zéro et une croissance en berne, des taux de 2 % entraînent mécaniquement un alourdissement de la charge. Le rétablissement à marche forcée vers des rendements plus classiques autour de 4 % n’est sans doute pas à redouter, et le rachat mensuel programmé par la BCE de 60 milliards de dette publique jusqu’en septembre 2016 est de nature à le freiner. Laperspective agitée ici ou là d’un krach obligataire apparaît réduite. Cependant, le balancier est reparti dans l’autre sens, et nul ne sait le rythme ni l’ampleur de sa course, d’où la nervosité des marchés ces dernières séances.
Les leçons à en tirer paraissent assez claires
- Le placement obligataire, sauf exceptions ponctuelles, est durablement hors-jeu. C’est un aggiornamento culturel pour beaucoup d’épargnants qui ont pu combiner ces dernières années la visibilité d’un produit aux variations limitées et des rendements parfois à deux chiffres. La contrepartie de cette anomalie va se traduire par une longue période de sous-performance : au mieux, rendement faible, au pire, secousses et décrochages tels que les fonds d’obligations privées ont pu en montrer tout récemment.
- Cette évolution va peser sur la rentabilité des portefeuilles des assureurs, qui ne pourront servir de meilleurs rendements qu’avec un long délai. La sécurité apportée par les fonds en euros va se payer d’une rémunération de plus en plus médiocre.
- Dans un contexte de tassement généralisé des rendements, l’épargnant qui cherche une revalorisation un tant soit peu soutenue n’a d’autre choix que de passer plus ou moins par les marchés d’actions dont les dividendes, rappelons-le, sont supérieurs aux coupons obligataires. Ceci implique l’acceptation de variations erratiques auxquelles beaucoup n’ont jamais été confrontés, mais qui amènent à moyen terme à des progressions nettement plus fortes que le taux sans risque.
- Sans attrait depuis plusieurs années, le placement monétaire va retrouver de l’intérêt aux Etats-Unis avec le début prochain de la remontée des taux de la Réserve fédérale. Ceci est de nature à déclencher des flux de capitaux préjudiciables, sur courte période, aux économies émergentes les plus dépendantes de l’argent étranger.
Les analyses et commentaires figurant dans cette lettre reflètent le sentiment de Christian CHARDIN, économiste de mes-placements.fr/Finance Sélection, sur les marchés et leur évolution, compte tenu de son expertise, des analyses économiques et des informations possédées à ce jour. Ils ne sauraient toutefois constituer un quelconque engagement ou garantie de son auteur ou de mes-placements.fr/Finance Sélection. Les investisseurs demeurent entièrement maîtres et responsables de leurs choix d’investissement et de l’adéquation de ceux-ci avec leur situation patrimoniale et personnelle. Ils reconnaissent assumer et supporter l’intégralité des risques financiers liés à leurs investissements. L’investissement en SICAV/FCP ne comporte aucune garantie, ni de rémunération ni de capital.