Les places boursières se sont illustrées par des performances remarquables au premier semestre 2019. Mais les marchés financiers restent tiraillés entre des indicateurs annonciateurs d’une possible récession et des contre-feux puissants soutenant l’économie, selon l’analyse de Dorval Asset Management. Pour François-Xavier Chauchat, économiste et membre du comité d’investissement de Dorval AM, cet équilibre fragile et la prépondérance des risques politiques justifient un positionnement prudent et opportuniste sur les marchés actions.
Meilleurtaux Placement : A l’issue du sommet du G20 à Osaka, qui s’est terminé sans escalade du conflit sino-américain, comment abordez-vous le second semestre 2019 ?
François-Xavier Chauchat : Le sommet d’Osaka a évité le pire mais il ne change notre perspective qu’à la marge. Il affermit le scénario d’un atterrissage en douceur de l’économie, qui aurait été mise à mal en cas d’escalade de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.
Mais les négociations ne sont pas achevées et des tensions peuvent ressurgir. Surtout, le ralentissement de l’économie mondiale continue. Le secteur industriel se situe dans une phase de quasi-récession, tandis que le commerce international continue de ralentir.
En outre, on peut s’interroger sur la poursuite du mouvement d’expansion de l’économie américaine, qui entre dans son 121ème mois, ce qui constitue un record absolu. Les consommateurs américains ont été impactés par les droits de douane mis en place précédemment, qui ont gommé une grande partie des baisses d’impôt de l’an dernier, et ils ne peuvent plus compter sur la politique de soutien budgétaire du gouvernement fédéral [stimulus package de l’administration Obama, NDLR].
Ces facteurs d’inquiétude ne laissent-ils pas présager d’une récession ?
François-Xavier Chauchat : Tous les indicateurs ne sont pas négatifs. En particulier, l’inflation est trop basse dans la plupart des pays pour accréditer l’idée d’une récession.
Ceci permet aux banques centrales de continuer de soutenir l’économie. La Banque centrale européenne (BCE) se dit prête à baisser de nouveau ses taux directeurs avec le ralentissement de la croissance. Aux Etats-Unis, l’inflation se situe à un niveau plus élevé mais l’économie américaine connaît un début de repli. La Réserve fédérale reste en alerte et envisage sérieusement d’agir fin juillet en baissant ses taux de 25 points de base.
Le cours du pétrole, après l’accord pour prolonger la réduction de la production des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), peut-il perturber les marchés ?
François-Xavier Chauchat : Il s’agit effectivement d’un déclencheur classique lorsqu’une économie en fin de cycle bascule vers une période de récession. Mais pour le moment, le cours du pétrole constitue un signal positif. Depuis plusieurs mois, la pression s’accentue au Moyen-Orient autour de l’Iran, l’OPEP a réduit son offre, mais les prix du pétrole restent significativement moins élevés que l’année dernière.
Pour le moment, le pétrole se stabilise à un niveau où le pouvoir d’achat des ménages est conservé, avec des salaires qui grimpent plus vite que l’inflation, et les mesures de soutien en Europe. La variable pétrole contribue ainsi à la résistance de l’économie face aux forces récessives venues de l’industrie et du commerce mondial.
Pas de grand bull market devant nous
Le CAC 40 a réalisé son meilleur premier semestre depuis 1998, tandis que les indices américains (Dow Jones, Nasdaq, S&P 500) battent des records. Les places boursières peuvent-elles tenir ce rythme d’ici la fin de l’année ?
François-Xavier Chauchat : La maturité du cycle économique affecte le ratio entre la performance et la volatilité des actions. Il n’y a pas de grand bull market [terme anglo-saxon désignant un marché haussier, NDLR] devant nous, car les bénéfices des sociétés ne sont pas au début d’un grand cycle de hausse.
Dans le même temps, le risque politique pèse sur certains secteurs et augmente leur volatilité. C’est le cas de l’automobile par exemple : à tout moment, une correction très forte est possible avec l’imposition de droits de douane envisagée par l’administration américaine. Le risque politique paralyse ce marché.
A l’inverse, une forte correction similaire à celle connue fin 2018 est-elle envisageable ?
François-Xavier Chauchat : L’année 2018 a été marquée par la liquidation par étapes de l’euphorie des investisseurs, s’achevant avec la forte baisse de Wall Street au quatrième trimestre. Cette liquidation est derrière nous et nous ne sommes plus dans la même situation : on a vu depuis le début de l’année beaucoup de retraits des fonds actions et de positionnements sur les marchés obligataires. Il n’y a pas d’euphorie actuellement sur les marchés actions.
Un mouvement de repli est possible, en cas de Brexit dur par exemple. C’est quelque chose de suffisamment concret pour faire peur aux investisseurs. Il y aurait alors un choc mais je ne pense pas qu’on assistera à une correction aussi importante qu’en 2018.
Pour aller plus loin sur les fonds Dorval AMMeilleurtaux Placement : Les différents fonds gérés par Dorval AM (Dorval Convictions, Dorval Emerging Market Convictions, Dorval Global Convictions, Dorval Manageurs*) ont affiché une exposition aux actions prudente au premier semestre en dépit de la forte progression des marchés. Comment expliquez-vous ce positionnement ?François-Xavier Chauchat : La reprise a été plus violente qu’escomptée sur le premier trimestre et notre taux d’exposition était probablement trop bas à cet égard. En revanche, lorsque l’accord commercial entre la Chine et les Etats-Unis attendu fin avril n’a finalement pas été conclu, il y a eu un repli. En ce sens, le premier semestre valide notre positionnement au milieu du gué, avec un taux d’exposition d’environ 40%, ni trop bas, ni trop haut. |