Pour investir dans une SCPI, l’épargnant souscrit normalement une part de la société auprès d’un gestionnaire. De plus en plus de fonds proposent aujourd’hui des parts fractionnées, un montage qui simplifie l’accès à ce véhicule d’investissement. Cette pratique, non prévue dans les textes réglementaires, soulève plusieurs questions d’ordres juridique et financier.
Les règles de fonctionnement d’une SCPI se veulent claires. Le capital de cette société est divisé en parts, dont la valeur nominale minimum s’élève à 150 euros. Ce prix correspond au ticket d’entrée minimum au capital de ces sociétés.
Dans les faits, le prix de souscription d’une SCPI atteint plusieurs milliers d’euros. L’accès à ce véhicule d’investissement est donc réservé, du moins en théorie, aux épargnants qui ont en les moyens. Pour contourner cet obstacle, les sociétés de gestion ont inventé un mode de souscription basé sur la décimalisation des parts de SCPI. Ce montage ne fait pas l’unanimité, surtout chez les poids lourds du secteur.
Une décimalisation difficile à mettre en pratique
La réticence des leaders de la pierre papier tient avant tout dans les défis pratiques soulevés par le fractionnement des parts. La décimalisation prive les investisseurs concernés de leur droit de vote, une prérogative accordée seulement aux propriétaires de parts entières. Ceux qui souscrivent à des dixièmes ou des centièmes de parts ne peuvent pas donc participer aux votes sur les stratégies d’investissement de leur SCPI. Les défenseurs du fractionnement ont trouvé une parade : ils proposent à leurs clients de se regrouper et de désigner un représentant, chargé d’exercer le droit de vote associé à l’ensemble des tantièmes de part.
Autre difficulté : les logiciels de gestion actuels ne sont pas compatibles avec la décimalisation des parts. C’est notamment le cas d’Unicia, l’outil utilisé par la majorité des sociétés indépendantes et des réseaux bancaires. Pour compenser cette lacune, les acteurs proposent des solutions de remplacement du fractionnement. L’alternative imaginée par Amundi Immobilier, numéro deux du marché, consiste en un système de versements programmés, calculés en fonction du nombre de parts à souscrire.
La Française REM, leader du marché, opte pour une formule un peu plus compliquée. Les versements du souscripteur sont placés dans un compte courant d’associé jusqu’à ce qu’ils atteignent la valeur d’une part entière. Leur rémunération est limitée à 85 % du rendement de l’année précédente. Les acteurs de la SCPI réfléchissent actuellement à un moyen d’uniformiser le fractionnement, ou du moins en reconnaître les principes dans des textes réglementaires.
Une pratique tolérée par l’Autorité des marchés financiers
La décimalisation des parts de SCPI n’a aucun fondement juridique. Cette faille ne semble pas inquiéter l’Autorité des marchés financiers, qui garde le silence devant cette pratique. En coulisses, certaines sources indiquent que le gendarme financier n’identifie aucun risque majeur associé à la décimalisation, du moins pour les investisseurs.
Cette lacune juridique est mise en avant par les acteurs récalcitrants au fractionnement des parts. Selon Amundi Immobilier et La Française REM, les textes originels qui régissent ces produits n’autorisent pas la décimalisation des parts de SCPI.
Les versements au rabais – à partir de 50 euros chez certains gestionnaires – constituent donc un non-sens juridique, de leur point de vue. Malgré cette opposition, la décimalisation a contribué au doublement de la capitalisation des fonds immobiliers ces six dernières années.