Depuis quelques années, les pays d’Europe du Sud rivalisent d’inventivité pour attirer les riches retraités étrangers. Ils ont un régime fiscal avantageux, suffisant pour convaincre ces contribuables privilégiés de changer de domiciliation fiscale. Il convient pourtant de savoir que cette pratique, entièrement légale, pénalise surtout les pays d’origine de ces seniors aux revenus élevés.
Début octobre, près de 140 pays ont signé le nouvel accord consistant à appliquer un taux d’imposition minimum de 15 % à toutes les entreprises multinationales. Ce système fiscal international entrera en vigueur en 2023.
Pour de nombreux observateurs, cette grande réforme met fin à des années d’inégalités et d’optimisations fiscales qui profitent surtout aux compagnies les plus rentables et les plus imposantes du monde. Après cette grande victoire, l’Observatoire européen de la fiscalité attire l’attention des législateurs sur un autre système inégalitaire : celui des retraites dorées proposées par une trentaine de pays européens.
Des mécanismes d’optimisation fiscale réservés aux seniors fortunés
Le problème évoqué par l’Observatoire européen de la fiscalité n’a rien à voir avec les produits d’épargne, tels que :
- Le PER;
- L’assurance-vie ;
- Les autres formules de capitalisation en plein essor en Europe.
L’Observatoire alerte plutôt les dirigeants et l’opinion publique sur le manque à gagner provoqué par les régimes fiscaux préférentiels accordés aux retraités fortunés.
Dans certains pays, ces systèmes deviennent de plus en plus agressifs et ressemblent toujours plus à des solutions d’optimisation fiscale accessibles avec un simple changement d’adresse. Et cela, sans contrevenir aux règles de l’Union européenne en la matière. Cette liberté fiscale s’explique en grande partie par le manque d’inertie de l’UE sur la question. En matière de fiscalité, l’UE n’interfère pas sur les lois de chaque État membre : chaque pays est libre de déterminer le régime fiscal des salariés et des retraités fortunés, en fonction de sa politique de revenus et sociale.
Pour l’Observatoire européen de la fiscalité, ces régimes hétérogènes ont besoin d’être mieux régulés. L’Allemagne et l’Espagne montrent le bon exemple en la matière. Dans ces deux pays, un ancien résident fiscal qui quitte son pays d’origine doit continuer à honorer ses obligations fiscales pendant quelques années, même s’ils déménagent dans un pays à la fiscalité plus avantageuse. L’Observatoire suggère de répliquer le même dispositif dans les autres États de l’Union européenne.
200 000 contribuables et 4 milliards d’euros de pertes
Les régimes fiscaux avantageux accordés aux retraités fortunés existent sous différentes formes en Europe. Au Portugal, le taux d’imposition de ces seniors privilégiés plafonne à 10 % en 2020, après avoir été exonéré d’impôt sur le revenu depuis 2009. Dans ce pays de la péninsule ibérique, la pression fiscale sur les retraités étrangers représente 15 à 25 % seulement de celle appliquée sur les retraités nationaux.
Cette forte disparité concerne aussi les seniors aux revenus imposables supérieurs à 150 000 euros d’autres pays, tels que :
- Chypre ;
- Italie ;
- Grèce.
Dans ces deux derniers États, les gouvernements proposent aux retraités étrangers de payer un montant forfaitaire au titre des impôts sur leurs revenus générés à l’extérieur. Les revenus perçus en Italie sont soumis au régime local. Au total, près d’une trentaine de pays européens utilisent la même carotte fiscale pour attirer les retraités privilégiés des autres pays. Selon les chiffres obtenus par l’Observatoire européen de la fiscalité, 200 000 contribuables bénéficieraient de ces systèmes. Ce chiffre est certainement plus élevé dans la réalité, vu le manque de données fiables de certains pays, tels que :
- Malte ;
- Luxembourg ;
- Chypre.
À cause de ces régimes préférentiels, les États délaissés par ces riches retraités perdraient au moins 4 milliards d’euros par an.