Depuis six mois, les taux des obligations d’État ont remonté, après plusieurs années de stagnation ou de baisse. Cette inversion de tendance, combinée à l’inflation galopante, laisse entrevoir une hausse des taux directeurs de la BCE, ce que la Banque européenne a fait le 21 juillet dernier. Ce changement ne sera pas sans conséquence pour l’assurance-vie.
Les assureurs et les banques répètent la même question depuis quelques semaines : qu’arrivera-t-il aux fonds libellés en euros si les taux d’emprunt d’État augmentent fortement sur une courte période ? Tous les analystes ont voulu résoudre cette énigme et certains ont même sorti des prévisions des plus alarmistes. Des experts craignent notamment une vague de retraits massifs sur les placements, qui risquent d’affecter les réserves de liquidités et la solvabilité des assureurs. D’autres se veulent rassurants et attirent l’attention sur :
- La solidité financière des compagnies ;
- Les filets de sécurité instaurés par l’État.
Une amélioration progressive de la rémunération des contrats en euros
La hausse des taux directeurs de la BCE influe directement sur le coût du crédit pour les entreprises, les particuliers… et l’État. Or, 80 % des actifs sur les fonds en euros de l’assurance vie sont constitués d’obligations d’entreprises et d’État. En théorie, la rémunération de ces contrats devrait progresser dans les prochains mois. La réalité est un peu plus complexe. Les emprunts détenus par les assureurs ont été acquis à une époque où les taux étaient encore très faibles, soit autour de 0,5 %. Dans l’immédiat, les distributeurs ne peuvent pas répercuter ces nouveaux taux sur la performance de leurs contrats en euros.
Cette action sera possible seulement lorsque leur portefeuille accueillera de nouvelles obligations plus rémunératrices. Autrement dit, le rendement des contrats en euros évoluera moins vite que les taux obligataires. Ce retard entraîne logiquement un déficit d’attractivité, du moins temporaire, des contrats en euros. Les épargnants pourraient décider de retirer l’argent sur leurs fonds en euros et de les réinvestir dans un super livret ou un produit réglementé comme le Livret A, par exemple. Après tout, ces supports offrent un taux de 2 % à partir du 1er aout, soit nettement mieux que le rendement moyen de 1,3 % d’un engagement en euros.
Si ces arbitrages ont lieu, les assureurs seront obligés de liquider leur stock d’obligations anciennes et d’enregistrer des moins-values plus ou moins conséquentes. Néanmoins, même à ce stade, le risque d’effondrement des assureurs est limité. Le Haut comité de sécurité financière peut activer la loi Sapin 2, un dispositif spécial qui permet de limiter les retraits sur épargne et les distributions de dividende quand ces opérations font peser une menace existentielle sur les banques et les compagnies d’assurance.
D’autres relèvements de taux attendus cette année
Malgré son impact sur les produits d’épargne et sur les marchés financiers, l’augmentation du taux directeur de la BCE est plutôt bien vue par les assureurs et par les États. Les observateurs espèrent que cette décision ralentit l’inflation en Europe – et le plus tôt serait le mieux. La Banque centrale européenne ambitionne de maintenir la hausse des prix à la consommation en dessous de 2 % en 2023. Cet objectif sera difficile à atteindre.
Bruxelles prévoit une inflation autour de 4 % l’année prochaine. C’est nettement inférieur au taux de 8,6 % mesuré en juin. Néanmoins, cette valeur dépasse encore le plafond de 2 % associé à une inflation « maîtrisée », selon les termes de la BCE. Pour atteindre ce niveau, d’autres relèvements de taux pourraient être envisagés. Cette mesure pourrait entraîner le recours au programme IPT. Ce mécanisme d’urgence autorise la BCE à racheter les dettes des États européens les plus en difficulté face aux taux d’emprunt élevés.