Achevé de rédiger le 18/01/2017
Le comportement des bourses en 2016 aura été surprenant, des rebonds soutenus suivant ce qui avait été préalablement annoncé comme des catastrophes : Brexit, élection de Donald Trump, échec du référendum italien, ou d’évolutions d’ordinaire peu favorables : reprise des prix du pétrole, relèvement des taux américains. Ces mouvements contre-intuitifs peuvent s’expliquer, au-delà d’un optimisme un peu forcé par les promesses expansionnistes de la nouvelle administration à Washington, par les liquidités colossales déversées par les banques centrales depuis plusieurs années, mais aussi par le sentiment que le ralentissement mondial est peut-être arrivé à son terme. L’éclaircie conjoncturelle n’est pas une vue de l’esprit, mais elle doit affronter divers obstacles qui rendent la prévision financière particulièrement aléatoire.
Il est désormais convenu que l’élection de Donald Trump a sonné le réveil des bourses d’actions. La perspective associée de la stimulation, fiscale et par l’investissement, de l’économie américaine a sans doute été le détonateur d’un mouvement coïncident avec une embellie conjoncturelle de plus en plus évidente au niveau mondial.
Après un médiocre 2,3% estimé de progression du PIB mondial l’an passé, la Banque Mondiale pronostique une avance de 2,7% pour 2017 : accélération modeste, mais direction indéniable. Presque partout, les indicateurs poursuivent leur montée, ou se redressent là où ils étaient en retard : Italie, France par exemple ; en Europe, plus aucun pays n’est en récession, Grèce comprise. L’économie japonaise, vivifiée par un yen en baisse de 15% contre dollar en quatre mois, sort de sa léthargie. La croissance chinoise est stabilisée autour de 6% l’an, en dépit de déséquilibres internes pour le moment maîtrisés. Brésil et Russie, deux poids lourds émergents, s’extirpent d’une récession profonde tandis que l’Inde se maintient sur une trajectoire de 7% par an. Plusieurs économies émergentes tirent profit de la remontée des cours des matières premières, qui prolonge le boom australien.
Ce retour de forme progressif s’accompagne d’une normalisation bienvenue. Le prix du pétrole revient vers un niveau qui rémunère les producteurs sans étrangler les consommateurs. Les prix des biens manufacturés s’éloignent de la zone de déflation rampante où les avait installés la croissance anémique. Surtout, les taux d’intérêt de marché reprennent un peu de hauteur, quittant peu à peu les zones négatives dénuées de sens et commençant à restaurer une hiérarchie des échéances et des placements. Il s’ensuit une légère pression sur les marchés obligataires, bien contrôlée par les banques centrales, qui génère une inversion des flux vers les actions, explication à la montée des bourses.
La direction semblerait donc bien tracée, au moins pour les prochains mois. Pourtant, le sentiment reste assez fragile ; c’est que le risque n’est ni économique ni financier à court terme, il est (géo)politique. Les intentions affichées de Donald Trump de remettre en cause nombre d’accords et de traités commerciaux, d’imposer des droits de douane élevés à plusieurs partenaires, ses récentes déclarations menaçantes à l’encontre de groupes américains tentés par des délocalisations, la nomination de ministres ou conseillers aux positions tranchées et l’affirmation d’une diplomatie sans complexe revisitant nombre des positions actuelles plaident davantage pour des bouleversements que pour des évolutions progressives. Dans le même temps, la Chine et la Russie multiplient démonstrations et discours martiaux. Le Moyen-Orient, où l’Iran revient en force, s’enfonce dans le chaos alors qu’il fournit toujours une part primordiale de l’énergie nécessaire à l’activité occidentale. La Corée du Nord reste aussi incontrôlable que dangereuse… Le futur est plus incertain que jamais. Qui peut prétendre décrire la situation internationale d’ici douze mois ? Ce manque de visibilité représente une entrave à l’essor des marchés d’actions.
Le baromètre de l'épargne
Au-delà de ces hypothèques diverses, on peut toutefois déterminer des lignes directrices pour les placements :
- Dans un monde en mal de rendement, l’obligation, très peu rémunératrice, menacée par la remontée même modeste de l’inflation, est globalement à éviter. La classe d’actifs est toutefois si large que des opportunités subsistent : titres indexés sur l’inflation -mais la perspective a déjà été assez largement anticipée-, titres à haut rendement soigneusement sélectionnés, dette de certains pays émergents, tant souveraine que privée, en devise forte ou parfois locale. La disparité des situations est telle qu’elle contraint l’investisseur à une sélection rigoureuse des fonds dans la catégorie. S’il subsiste de l’argent à gagner ici et là, le conseil sera à une réduction très sensible de l’exposition à la classe obligataire dans son ensemble, y compris via des fonds patrimoniaux. Il vaut aussi pour les fonds en euros de l’assurance vie qui, après la loi Sapin 2, ne conservent comme seul avantage que la stabilité du capital -encore certains assureurs ne la garantissent-ils plus. Ils ne peuvent plus constituer, en tout cas, le socle d’une revalorisation d’un patrimoine à long terme.
- Les taux administrés restent trop bas pour présenter une opportunité de placement durable. Les sommes déposées sur les livrets restent pléthoriques alors que l’on annonce une décrue supplémentaire du Livret A. Le placement à court terme doit respecter sa définition et être réservé à un dépôt transitoire de quelques mois au plus.
- Avec les reprises de l’activité, le placement en actions ressort attrayant, mais son instabilité rebute beaucoup, et il n’exonère pas du choix du moment où investir comme de l’analyse du niveau d’intervention. Les bourses ont voulu retenir ces dernières semaines le seul côté stimulant des mesures annoncées par Donald Trump ; maintenant qu’arrive le moment de les mettre en œuvre, nous serions prudents dans l’attente du discours sur l’état de l’Union (20 janvier) et des premiers pas de la nouvelle administration. Une certaine consolidation serait logique après cette avancée rapide.
Au-delà de cet aspect tactique, les opportunités d’investissement sont nombreuses. La bourse américaine est très chère, mais si la réduction de l’impôt sur les sociétés voulue par M. Trump est employée à accroître les dividendes ou plus encore à racheter des actions, elle peut se maintenir sur les sommets. La marge de sécurité est sans doute meilleure sur les actions européennes, moins bien valorisées mais dont les bénéfices commencent à se relever après sept exercices de quasi-stagnation et qui vont tirer profit d’un euro moins ambitieux. Les valeurs japonaises sont dans un cas similaire. Dans un second temps, et si elles n’ont pas trop à pâtir de positions dures de l’administration Trump, les bourses émergentes, moins chères que les occidentales, reprendront leur marche en avant interrompue en novembre dernier ; les producteurs de produits bruts seront sans doute plus favorisés que ceux de biens manufacturés.
Les matières premières précisément peuvent faire leur retour dans les portefeuilles après plusieurs années négatives : la reprise économique et la demande afférente les soutiennent. L’or a montré en 2016, et encore tout récemment, son imprédictibilité au travers de grandes variations ; la remontée des taux américains limite sans doute son potentiel. Sa détention restera mesurée, davantage à titre de couverture contra-cyclique.
Encore faut-il pour la réalisation de ces scénarios que les tensions sur les taux d’intérêt restent progressives et assez régulières. Un accident obligataire notable aurait des répercussions rapides et négatives sur les bourses ; il ne semble pas à redouter aujourd’hui, mais il faudra rester attentif à la politique de la Fed comme à la vitesse de l’élargissement du déficit budgétaire américain. - Enfin, l’immobilier reste au cœur de l’épargne française, et a largement reçu ses suffrages depuis trois années. Il reste dans l’ensemble assez sain : porté par une pénurie que l’on qualifiera de structurelle -mais entretenue par le niveau des prix- le résidentiel est plébiscité. La modicité des taux d’emprunt pour quelque temps encore va continuer à le soutenir. L’immobilier d’entreprise a séduit les investisseurs au travers des Scpi ; mais les apports de capitaux ont été tels que l’argent n’est pas intégralement employé par les gestionnaires à la recherche d’opportunités. Cela présage de la poursuite de l’effritement des rendements, qui demeureront très supérieurs à celui de l’épargne sans risque et, en 2017, substantiellement au-dessus de l’érosion monétaire. On rappellera toutefois que l’immobilier, s’il est un excellent rempart contre cette dernière, est sensible à son corollaire : la montée du coût de l’argent. L’immobilier résidentiel français est le plus cher de la zone euro, et il est difficile en la matière de se maintenir en permanence sur la plus haute marche du podium ; celui d’entreprise, malgré le dégel de l’activité, peine un peu à absorber les capitaux apportés. Dans un contexte de remontée des taux, aussi lent soit-il, il faut être conscient que le secteur a passé son sommet et fera face dans les trimestres à venir à un environnement un peu moins souriant.
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Christian
Les analyses et commentaires figurant dans cette lettre reflètent le sentiment et l'opinion de Christian CHARDIN, économiste de mes-placements.fr, sur l'économie, les marchés et leurs évolutions possibles, compte tenu de son expertise, des analyses économiques et des informations possédées à ce jour. Ils ne sauraient toutefois constituer un quelconque engagement ou garantie de son auteur ou de mes-placements.fr/Finance Sélection. Les investisseurs demeurent entièrement maîtres et responsables de leurs choix d'investissement et de l'adéquation de ceux-ci avec leur situation patrimoniale et personnelle. Ils reconnaissent assumer et supporter l'intégralité des risques financiers liés à leurs investissements. L'investissement en SICAV/FCP/SCPI/EMTN… ne comporte aucune garantie, ni de rémunération ni de capital.
(1) Prévisions. Les performances passées de préjugent pas des performances futures.