Proposée depuis septembre 2018 dans le cadre du projet de loi Pacte, et remise sur le plateau fin janvier dernier, la possibilité de transférer un contrat vie et conserver quand même les avantages fiscaux qui l’accompagnent suscite toujours des débats. Le fait est que le renforcement de la concurrence est estimé bénéfique aux épargnants alors que le gouvernement et les assureurs ne sont pas du même avis.
En assurance-vie, la fiscalité devient plus avantageuse à mesure que le placement prend de l’âge. Toutefois, bon nombre d’assurés se sentent lésés par rapport à leur rémunération qui devient peu flatteuse lorsque le contrat ne figure plus sur les plaquettes commerciales de l’assureur. Et si les écarts de rendements qui varient actuellement du simple au quintuple poussent les épargnants à trouver mieux, clôturer un contrat et en souscrire un autre chez le concurrent implique une perte des antériorités fiscales.
La transférabilité apparaît alors comme la solution idéale à cette problématique, sauf que les acteurs du secteur, appuyés par les autorités publiques, le voient d’un mauvais œil. Aux avantages perçus par les assurés, ces derniers voient un bouleversement de leur modèle et même un déséquilibre au niveau de l’économie réelle.
La transférabilité est de mise pour faire jouer la concurrence
Avec un encours s’élevant à 1 700 milliards d’euros, il est on ne peut plus clair que l’assurance-vie fait partie des placements financiers les plus plébiscités en France. Il se trouve cependant que ses rendements se sont quelque peu effrités ces derniers temps, notamment ceux des fonds en euros dont la plupart n’arrivent même pas à combler la perte en pouvoir d’achat résultant de la reprise de l’inflation.
Face à cela, les défenseurs des consommateurs estiment qu’il est grand temps de renforcer la concurrence, car les assurés se sentent effectivement pieds et poings liés par leur contrat. L’association CLCV explique cette situation par :
« Un mauvais fonctionnement concurrentiel du marché de l'assurance-vie ».
Certes, il est toujours possible d’aller d’une compagnie à une autre si les conditions proposées par son agence ne correspondent pas aux attentes, mais l’on risque alors de perdre tous les avantages fiscaux qui se sont amoncelés durant la détention du contrat. D’où la nécessité d’une loi permettant sa transférabilité, que CLCV qualifie comme étant :
« Une solution à un épargnant « maltraité » qui, actuellement, ne dispose d'aucun moyen de défendre ses intérêts, hormis clore son contrat ».
Cette idée a été soutenue par plusieurs parlementaires, dont quelques-uns ont même proposé des amendements afférents pour être intégrés dans le projet de loi Pacte. À noter que l’Assemblée nationale les repassera à la loupe très prochainement
Bercy appréhende un déséquilibre du système.
Au lieu d’attendre le verdict du débat à l’Assemblée nationale, les représentants des consommateurs accompagnés de quelque 500 professionnels de l’investissement se sont mobilisés fin février pour influencer les votes. Parmi ces derniers se trouvaient des courtiers en assurance-vie, des conseillers en gestion de patrimoine ainsi que des membres de « family office ».
D’après eux, la portabilité du contrat assurance vie n’en profitera pas qu’aux épargnants :
« Souvent par facilité et parfois par manque d'expertise, les établissements préfèrent orienter l'épargne de leurs clients vers le fonds en euros, fonds dont le capital est garanti, mais dont la contribution au financement de l'économie est faible ».
Toujours est-il que le ministère de l’Économie et des Finances se campe sur sa position. Si Bruno Le Maire a accepté d’ouvrir le débat concernant l’optimisation de la concurrence et la liberté des contractants, il n’approuve pas pour autant cette idée de transférabilité. Ses arguments étant les risques de fragilisation tant au niveau des établissements d’assurances que de l’économie réelle. C’est ce qu’il a d’ailleurs affirmé aux sénateurs en janvier :
« L'assureur ne pourra pas investir en actions, ce qui est un placement de long terme, à partir du moment où il sait que l'assuré peut changer de contrat d'assurance-vie quand bon lui semble ».
Une explication à laquelle le dirigeant de la FFA (Fédération française de l'assurance), Bernard Spitz, n’a pas manqué d’ajouter :
« Les conséquences de la transférabilité seraient négatives pour le rendement des épargnants ».
Bernard Spitz